La filière de santé des maladies héréditaires du métabolisme G2M souhaite partager ses connaissances en organisant toute une série de webinaires et entend ainsi contribuer à la formation et à l’information des divers acteurs concernés : médecins, associations de patients, médecins généralistes, professions paramédicales, biologistes, etc. Le 5 février dernier, la filière G2M inaugurait la formule avec le premier webinaire de la série, consacré aux différents Plans nationaux maladies rares (PNMR) et aux bénéfices qu’ils peuvent apporter aux patients.

Anne-Sophie LAPOINTE, Cheffe de projet mission Maladies Rares à la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) dépendant du Ministère de la Santé et des Solidarités, y intervenait afin de présenter la politique française des maladies rares et les PNMR associés.

« Pour qu’une telle politique soit utile au plus grand nombre de malades, il convient de faire en sorte qu’elle soit adaptée et construite dans le sens de chaque patient. », assure-t-elle.

Toutefois, l’écosystème des maladies rares est complexe. La plupart des maladies rares s’inscrivent dans le contexte d’une errance diagnostique (50 % des malades sont aujourd’hui sans diagnostic précis posé et ne connaissent souvent même pas le nom de leur maladie). À cela s’ajoute la problématique de l’existence d’une information relativement limitée au sujet de bon nombre d’affections rares et également celle de la dispersion géographique sur l’ensemble du territoire national des personnes touchées : un important facteur d’isolement. De plus, l’accès au traitement pose encore majoritairement une autre difficulté de taille. Le besoin d’une politique publique cohérente en la matière est donc crucial.

Une maladie rare est une maladie qui atteint moins d’une personne sur 2000 en population générale (définition issue du Règlement européen sur les médicaments orphelins). À l’échelle de la planère, les maladies rares concernent environ 300 millions de personnes, dont à peu près 3 millions en France ! 1 personne sur 20 est touchée par une maladie rare sur le territoire national, ce qui constitue un ratio important et ce qui demande donc une mobilisation conséquente ! Les malades rares sont certes isolés au sein d’une même maladie, pourtant les maladies rares sont nombreuses : entre 6000 et 8000 et 80% d’entre elles sont d’origine génétique. Il existe plus de 220 associations de patients atteints par une maladie rare en France. Elles sont regroupées au sein de l’Alliance Maladies Rares.

La politique publique conduite en France au sujet des maladies rares est une déclinaison de la politique européenne construite à ce propos.

Historiquement, tout commence dès 1997 avec la création simultanée d’Orphanet, portail encyclopédique des maladies rares, et d’EURORDIS, Fédération européenne des maladies rares. Orphanet est reconnu depuis le début des années 2000 par la Commission Européenne, voire même sur le plan international pour l’information de qualité qu’il a permis de développer en direction du grand public, des services d’urgence et également des médecins généralistes. EURORDIS a pu faire un lobbying pour qu’il existe un Règlement européen du médicament orphelin afin de trouver une solution pour les maladies rares sans thérapeutique et afin d’encourager la recherche sur des maladies avec très peu de malades.

À partir de l’existence de ce Règlement européen du médicament orphelin, l’Europe a vraiment donné un coup d’accélérateur. De nombreux outils indispensables à l’amélioration des connaissances sur les maladies rares voient progressivement le jour : création de bases de données, de registres et de collections biologiques, recrutement et participation des malades à des cohortes de patients dans des essais cliniques, etc. Dans le champ des maladies rares, les différentes parties prenantes sont toutes considérées. Les apports des uns et des autres en termes de connaissances et de retours d’expérience sont précieux, qu’il s’agisse d’acteurs de la recherche et de médecins, des pouvoirs publics, d’industriels du médicament ou de patients.

La France a été le premier pays européen à mettre en œuvre un Plan national maladies rares dès 2004 et est également le premier pays à déjà disposer de trois Plans nationaux maladies rares.

Les PNMR poursuivent les objectifs suivants :

– Diminuer l’errance diagnostique ;

– Accompagner l’émergence de nouvelles compétences ;

– Prévenir et compenser les handicaps et les souffrances physiques, psychiques et sociales causées par les maladies rares ;

– Améliorer les parcours de santé en prenant en compte le parcours de vie des patients ;

– Associer étroitement la recherche et les soins apportés aux patients car, dans le domaine des maladies rares, elles avancent très intimement ensemble ;

– Promouvoir l’innovation thérapeutique ;

– Développer de nouvelles technologies d’information et de communication afin d’être accessibles au plus grand nombre.

Le PNMR 1 a débuté en 2004 et s’est déployé jusqu’en 2008 : sa vocation était de permettre d’orienter les personnes malades vers un parcours de soins. Il a permis de déterminer où se trouvait l’expertise dans le domaine des maladies rares, de lui donner de la visibilité en labellisant des Centres de Référence Maladies Rares (CRMR) et de constituer un maillage territorial comme des Centres de Compétences Maladies Rares (CCMR) leur sont rattachés. Les CRMR ont plusieurs missions : de coordination, d’expertise, de recours pour un deuxième avis diagnostic notamment, de recherche, d’enseignement et de formation. On en compte près de 400 en France et plus de 1800 CCMR ou centres de ressources et de compétences.

Le PNMR 2 a commencé en 2011 et s’est poursuivi jusqu’en 2016 : son objectif était de coordonner les équipes médicales en organisant les centres entre eux, en particulier grâce à la création des filières de santé maladies rares en 2014. Les filières de santé soutiennent le travail d’expertise et de clinique des différents CRMR, elles sont amenées à travailler avec des laboratoires hospitaliers et pharmaceutiques, des structures médico-sociales et sont directement en lien avec les associations de patients qui sont membres de leur gouvernance (c’est le cas des Feux Follets)

Les 23 filières de santé maladies rares en France aspirent à :

– impulser / coordonner les actions visant à améliorer la prise en charge des personnes malades (ex. harmonisation des Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins (PNDS), création de réunions interdisciplinaires, transition enfant / adulte, Plan France Médecine Génomique et aspect diagnostic);

– favoriser / valoriser le continuum entre recherche fondamentale, translationnelle et clinique ;

– développer l’enseignement, la formation et l’information.

Le Ministère de la Santé et des Solidarités et la DGOS les poussent à un partenariat et à travailler conjointement. Elles ont entre autres des groupes interfilières sur certaines problématiques et sujets communs (ex. transition enfant / adulte, ETP, etc.) afin d’aller plus loin dans la réflexion.

Le PNMR 3 date de 2018 et se terminera en 2022 : son ambition concerne le partage des données. Ce plan a souligné le besoin d’une implication de tous les acteurs de l’écosystème des maladies rares et de partenariats entre eux pour lutter contre l’errance diagnostique. Il a notamment permis le renforcement de la politique autour des données de santé et du rôle de la Banque Nationale des Données Maladies Rares (BNDMR). Le rôle de leader de la France sur le plan européen est à conforter. Actuellement, un tiers des réseaux européens maladies rares (8 sur 24) sont coordonnés en France. Une meilleure organisation inter-acteurs sera donc absolument nécessaire pour pouvoir orchestrer convenablement cet accès aux soins et à l’expertise pour tous.

Il a 5 ambitions majeures :

– Permettre un diagnostic rapide pour chacun ;

– Innover pour traiter ;

– Améliorer la qualité de vie et préserver l’autonomie des personnes malades ;

– Communiquer et former ;

– Moderniser les organisations et optimiser les financements.

Anne-Sophie LAPOINTE poursuit son exposé : « Les familles ont besoin d’espoir et, l’espoir, c’est la thérapie ! Tout un travail est à mener sur la thérapeutique et sur les stratégies innovantes. Les maladies rares sont un champ très très large pour développer la thérapie génique, les biothérapies et il faut vraiment pouvoir s’appuyer là-dessus. Les maladies rares forment un réseau très complexe mais elles ne sont pas hors sol. Il faut voir que les maladies rares sont dans un contexte qui est très favorable en ce moment je dirai pour le 3ème Plan maladies rares, on va bénéficier de la stratégie de santé 2018-2022, on a cette structuration des filières qui, vraiment, deviennent un atout pour ce parcours de vie et pour la recherche. Nous avons relabellisé les centres de compétences en 2017 en mettant un accent encore plus fort sur la recherche. Les porteurs de projets de centres étaient vraiment évalués sur la qualité de leurs travaux de recherche. On a aussi le développement d’une médecine personnalisée, d’une médecine de précision et puis la montée en charge de la Banque Nationale de Données Maladies Rares au sein de cet environnement, au sein de la France. Quand on a une logique Maladies Rares, il ne faut pas oublier que la France en est le leader européen, mais surtout que la France doit travailler avec les autres pays européens pour pouvoir avoir encore plus de données. »

Le Plan Santé et Recherche est un plan interministériel ambitieux. Au sein des Ministères, il est décliné en différentes actions.

Au sein de la mission Maladies Rares de la DGOS, 11 axes de travail sont à piloter :

Axe 1 : Réduire l’errance et l’impasse diagnostiques ;

Axe 2 : Faire évoluer le dépistage néonatal et les diagnostics prénatal et préimplantatoire pour permettre des diagnostics plus précoces ;

Axe 3 : Partager les données pour favoriser le diagnostic et le développement de nouveaux traitements ;

Axe 4 : Promouvoir l’accès aux traitements dans les maladies rares ;

Axe 5 : Impulser un nouvel élan à la recherche sur les maladies rares ;

Axe 6 : Favoriser l’émergence et l’accès à l’innovation ;

Axe 7 : Améliorer le parcours de soin ;

Axe 8 : Faciliter l’inclusion des personnes atteintes de maladies rares et leurs aidants ;

Axe 9 : Former les professionnels de santé et sociaux à mieux identifier et prendre en charge les maladies rares ;

Axe 10 : Renforcer le rôle des filières de santé maladies rares dans les enjeux du soin et de la recherche  ;

Axe 11 : Préciser le positionnement et les missions d’autres acteurs nationaux des maladies rares.

Le PNMR 3 est actuellement à mi-parcours. Les centres et les filières de santé maladies rares ont pu être financés afin de permettre davantage de réunions de concertation pluri-disciplinaires, plus de travaux conduits étroitement avec les laboratoires et le Plan France Médecine Génomique 2025 et la constitution d’un registre national de données dans le but de réduire l’errance et l’impasse diagnostiques, en orientant plus rapidement les personnes vers la génomique. Pour organiser cet accès aux plateformes génomiques de séquençage à très haut débit, un observatoire du diagnostic a été mis en place en plus du registre national dynamique de personnes en impasse diagnostique.

Avec la BNDMR, le souhait est de parvenir à regrouper les données des patients suivis pour une même maladie rare afin de mieux pouvoir faire avancer la recherche.

Le programme européen dédié à la recherche sur les maladies rares (European joint programme on rare diseases) est coordonné par l’INSERM. De la même manière qu’au plan national, le principal objectif de cette politique européenne est de permettre la création d’un parcours de recherche et d’innovation à partir du malade et revenant au malade, en assurant une traduction rapide des résultats de la recherche avec des applications pratiques car il y a urgence à trouver pour bon nombre de malades. Dans ce cadre, il y aura notamment des appels à projets en sciences humaines et sociales car il est important de connaître l’impact social de la maladie (pour la personne elle-même et son environnement). Ce programme scientifique européen vise également à améliorer l’intégration, l’efficacité, la production et l’impact sociétal de la recherche sur les maladies rares. Des acteurs majeurs français y participent avec, au cœur de ce travail l’INSERM et, pour ne citer qu’eux : l’Institut Imagine et les associations de patients qui en sont partenaires, la Fondation Maladies Rares, des Universités, des réseaux européens de référence, Orphanet, EURORDIS, l’AFM-Téléthon ou encore l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Le PNMR français est à articuler avec ce programme européen de la recherche sur les maladies rares. Anne-Sophie LAPOINTE est membre du groupe de travail et du comité de pilotage associés.

À l’issue du PNMR 3, l’ambition pour les personnes malades est qu’elles puissent :

– Avoir un diagnostic précis un an après la première consultation médicale spécialisée dans un centre expert ;

– Pouvoir bénéficier des soins et thérapies disponibles

Sauf quand l’état de l’art scientifique et technique ne permet pas d’aboutir à un diagnostic précis. À ce moment-là, les personnes en impasse diagnostique doivent pouvoir être très rapidement redirigées et pouvoir entrer dans un programme global coordonné de diagnostic et de recherche.

En termes de gouvernance, le PNMR 3 est un travail interministériel où il y a également un comité stratégique qui veille à la réalisation du plan et qui travaille avec les cabinets des ministres, ainsi qu’un comité opérationnel. Dans ces comités, les associations de malades sont représentées et sont sources de plus-values puisque la politique associée est réajustée en fonction de leurs retours et avis, toujours au bénéfice des patients.

Nous remercions vivement Anne-Sophie LAPOINTE pour ses explications et son éclairage sur ces 20 années de politiques maladies rares !

 

Si vous souhaitez revoir en vidéo l’intégralité de ce webinaire, ainsi que la session de questions / réponses qui l’accompagne, rendez-vous ici :

À noter : La filière G2M a créé un portail web dédié à l’ensemble des évènements qu’elle organise où il est possible de les visionner en replay : Filière G2M – Portail des événements Live (liveteam.tv). Vous pourrez par exemple prochainement y revoir l’intégralité de la Journée SFEIM / G2M : maladies à régime qui s’est déroulée le 4 février dernier.

Nathalie COULOMB

Administratrice et adulte PCU (Strasbourg)