À l’occasion de l’Assemblée plénière de l’Alliance Maladies Rares du 6 juin dernier, j’avais indiqué le rendez-vous qui nous avait été donné en date du 3 novembre 2020, pour le tout premier Congrès de l’Alliance Maladies Rares, qui devait se dérouler à Paris.

Une fois encore, les plans initiaux ont été contrariés par la crise sanitaire actuelle et l’Alliance Maladies Rares s’est adaptée en proposant son premier Congrès digital à cette même date. C’est donc tout naturellement que cette action a rejoint la série des évènements digitaux suivis par les Feux Follets dans notre agenda automnal !

Le 3 novembre 2020, avec Laëtitia DOMENIGHETTI, nous étions donc toutes deux connectées pour représenter les Feux Follets et pouvoir assister, avec un peu plus de 200 participants, aux échanges prévus. Là encore, le programme était de qualité et très instructif !

Cet article vous présente l’essentiel des échanges du Congrès. Il est long et technique mais je vous invite à en prendre connaissance car, nous PCU, faisons partie intégrante de la grande famille des maladies rares.

Nathalie TRICLIN-CONSEIL (Présidente de l’Alliance Maladies Rares), Philippe BERTA (Député du Gard et Président du groupe Maladies Rares à l’Assemblée nationale), Ana RATH (Directrice d’Orphanet – INSERM) ont débuté les discussions en posant la question suivante : « Après la crise épidémique du Covid-19, quelles opportunités pour les maladies rares ? ».

  • De cette enquête (maladies rares & Covid-19), les éléments suivants sont notamment ressortis :

– Selon les centres de santé, la majorité des rendez-vous médicaux ont soit été reportés, soit ils ont eu lieu à distance en téléconsultation ou en consultation téléphonique pendant le confinement

– 60 % des répondants à cette enquête ne connaissaient pas les Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins (PNDS → ici le PNDS 2018 de la phénylcétonurie, référence absolue sur la question, que nos adhérents ont également reçu en version livret) et il est donc urgent d’y pallier

– Moins de la moitié des répondants n’avaient pas reçu d’informations quant à la gestion de la maladie rare pendant le confinement et 85 % de ceux qui en ont eu connaissance les ont trouvées fort utiles : souvenez-vous, les Feux Follets vous ont régulièrement transmis les recommandations de la filière G2M pour vous tenir informés au plus près des conseils prodigués par notre filière de santé

– La ligne d’écoute Maladies Rares Info Services a été sollicitée par seulement 3 % des répondants et demande donc à gagner en visibilité.

Philippe BERTA, Député du Gard et Président du groupe Maladies Rares à l’Assemblée nationale, a rappelé que, sur le plan législatif, deux textes qui vont impacter notre domaine sont aujourd’hui en discussion :

Comme l’a déclaré Monsieur le Député : « Le volet scientifique est important à défendre et à expliciter comme il comporte certains outils thérapeutiques tels que la thérapie génique. ». De même, il a très justement souligné le fait que « génétique ne rime pas nécessairement avec eugénique* », en particulier sur le plan du diagnostic néonatal, qui est d’une importance capitale, c’est-à-dire : VITALE, pour nous autres PCU, ainsi que pour tant d’autres personnes concernées par une affection génétique rare ! Puis, il a cité l’Australie comme exemple en matière de dépistage néonatal : « Le diagnostic néonatal y est posé en 3,3 jours sur un nouveau-né à travers seulement 2 plateformes. Où en sont les plateformes de séquençage en France ? Qu’est-ce qu’on fout dans ce pays ? ».

  • La Directrice d’Orphanet a ensuite fait un parallèle entre les maladies rares et la Covid-19. Ana RATH a alors appuyé sur le fait que « les maladies rares portent en elles des enseignements utiles à la crise que nous sommes en train de connaître. ». Tout en insistant sur l’importance que « les maladies rares ne soient ni oubliées, ni dépriorisées dans ce contexte particulier », elle a aussi témoigné du fait que « la communauté des maladies rares est consciente du rôle qu’elle a à jouer et qu’elle s’est d’ailleurs mobilisée pour participer à l’effort collectif et partager ses outils, connaissances et bonnes pratiques. ».

La matinée s’est poursuivie par une table-ronde animée par la Présidente de l’Alliance Maladies Rares et intitulée « Faire des maladies rares une priorité nationale, avancées et perspectives ? ».

Tour à tour, les invités suivants ont pris la parole :

  • Anne-Sophie LAPOINTE (Cheffe de projets adjointe, mission maladies rares, DGOS) ;
  • Pr. Jean POUGET (Vice-président santé, PNMR 3) ;
  • Marie-Pierre BICHET (Vice-présidente de l’Alliance Maladies Rares) ;
  • Christian COTTET (Directeur général de l’AFM-Téléthon) ;
  • Catherine RAYNAUD (Présidente du groupe maladies rares, LEEM) ;
  • Philippe BERTA (Député du Gard et Président du groupe Maladies Rares à l’Assemblée nationale) ;
  • Véronique PAQUIS – FLUCKLINGER (Direction générale de la recherche et de l’innovation ou DGRI) ;
  • Yann LE CAM (Directeur d’EURORDIS).

Revenons tout d’abord très succinctement sur l’historique des Plans Nationaux Maladies Rares (PNMR) successifs :

  • Le PNMR 1 a accompagné l’effort de labellisation en lien avec les maladies rares et la mise au point des centres de santé de référence et de compétence ;
  • Le PNMR 2 a permis la mise en œuvre des filières de santé ;
  • Le PNMR 3 a comme perspective la création d’un Observatoire du Diagnostic ;
  • Le PNMR 4 semble d’ores et déjà plus que nécessaire et il sera certainement plus spécifiquement axé sur le volet thérapeutique et la problématique de l’accès au traitement.

En résumé, plusieurs points communiqués pendant la table-ronde sont à considérer :

– Les maladies rares ont besoin de chacun et le travail conjoint des associations avec les centres et filières de santé, ainsi que les autorités, est donc primordial ;

– Il est important de mieux faire connaître des réanimateurs les facteurs de risques de chaque maladie rare en lien avec la Covid-19 afin que la maladie rare ne soit pas considérée d’emblée comme un facteur aggravant (il existe d’ailleurs pour les maladies disposant d’un PNDS un volet « en cas d’urgence » extrêmement précieux qui peut être consulté) ;

– Dans ce contexte inédit, les malades et leurs familles ont besoin d’informations : les associations ont pour mission de s’en faire le relai et également d’aider à une meilleure connaissance de certains outils, comme les fiches Urgences Orphanet ou la ligne d’écoute Maladies Rares Info Services ;

– L’organisation du système de santé en France doit être repensée pour garantir une meilleure coordination entre ses acteurs (notamment entre les phases de diagnostic et la mise en place du traitement), de même que pour faire en sorte que les patients atteints de maladies rares ne soient aucunement gênés dans leur accès aux soins ;

– Pour pouvoir mettre au point de nouvelles thérapeutiques, la recherche française doit être encouragée et réacquérir une forme de souveraineté pour, entre autres, être en mesure de produire des médicaments sur le territoire national mais, pour cela, du temps et des moyens sont fondamentalement nécessaires – à noter : 40 thérapies géniques sont actuellement à l’étude en France ;

– En matière d’éducation thérapeutique des patients (ETP), les projets de e-ETP sont à favoriser à l’avenir : d’ailleurs, lors du jury du 20 octobre 2020 en lien avec les appels à projets en matière d’ETP, 90 d’entre eux intégraient une dimension numérique ;

– Les divers acteurs se réjouissent que le nombre de Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins (PNDS) soumis soit conséquent mais cela demande de bien penser à leur réactualisation au niveau des filières de santé ;

– Le Plan « Médecine France génomique 2025 » se concrétise avec l’aide au développement de plateformes de séquençage à très haut débit du génome humain mais : « Le chantier reste immense pour sortir de l’errance diagnostique ! Réaliser quelques milliers de génomes par an, on n’y est pas encore. », selon Christian COTTET, Directeur Général de l’AFM-Téléthon, étant donné qu’on ne dispose actuellement que de 2 de ces plateformes sur les 12 initialement prévues : AURAGEN et SEQUOIA ;

– En matière de diagnostic et d’errance diagnostique, en plus des aspects bioéthiques qui sont toujours discutés, « certains verrous technologiques sont aussi à lever », comme le rappelle Véronique PAQUIS-FLUCKLINGER de la DGRI, pour pouvoir recourir à la bioinformatique ou à l’intelligence artificielle par exemple ;

– Selon Yann LE CAM, Directeur d’EURORDIS, « une réponse à tous ces enjeux doit être européenne » et il faut impérativement insister pour que le sujet des maladies rares soit intégré au plan d’action de la France quand elle sera à la Présidence de l’Union Européenne en 2022.

Pour clore la matinée, il a été évoqué le contexte atypique dans lequel s’inscrit le Téléthon cette année. L’émission de télévision aura bien lieu les 4 et 5 décembre prochains mais avec moins de public présent sur le plateau. Beaucoup d’évènements, dont la Marche des Maladies Rares, ne pourront malheureusement pas être réalisés cette année. Or, cela va peser lourd en termes d’impact, puisque cela correspond à environ 40 % du total de la collecte de fonds effectuée par le Téléthon ! Pour cette raison, il est crucial de nous mobiliser encore plus lors de cette édition afin de donner de la visibilité au Téléthon. Une fois de plus, nombre d’évènements vont passer en version digitale : alors, soyons tous présents en ligne à cette occasion !

  • L’après-midi, j’ai participé, avec une cinquantaine de participants, à l’atelier sur le thème de l’accès au traitement dans les maladies rares.

Jean-Pierre THIERRY (Conseiller médical France Association Santé et Membre de la commission de la transparence), Christophe DUGUET (Directeur des affaires publiques de l’AFM-Téléthon) et Pr. Pascale DE LONLAY (Coordonnateur de la filière G2M) en ont exposé divers aspects : la réforme quant à l’accès précoce ou « compassionnel » à des médicaments d’intérêt avant leur autorisation de mise sur le marché et les enjeux des ruptures de stock des médicaments des maladies rares – un sujet essentiel dans le cas de la phénylcétonurie et des maladies héréditaires du métabolisme apparentées !

Marie BALANCA, Présidente des Feux Follets, s’exprime à ce propos et nous apporte quelques compléments d’informations :

« Alors que nous vivons une année 2020 marquée par la lutte contre la pandémie de coronavirus (SARS-CoV-2 / COVID-19), ça et là, les processus de prescription et de délivrance des produits hypoprotidiques et mélanges d’acides aminés, sont mis à mal. Au printemps dernier, dans l’urgence de la situation, la filière G2M s’est attachée à rassembler tous les contributeurs (patients / hôpitaux / AGEPS) pour mettre en place, provisoirement, des contournements évitant en particulier la dépendance aux services postaux. Nous n’avons, à ce jour, pas recensé de patients qui aient été en rupture faute d’approvisionnement ou de prescriptions dans le contexte COVID. Toutefois, si cela a été votre cas ou si cela vous arrive, veillez à nous le faire savoir lesfeuxfollets@phenylcetonurie.org – nous aurons besoin de vos expériences. Aujourd’hui, alors que nous apprenons tous à vivre avec les mesures de protection, l’association se positionne aux côtés de la filière G2M pour pérenniser et consolider les bonnes pratiques issues de la « gestion de crise ». Ce sont des tâches de fond fastidieuses, et des réflexions longues, dans lesquelles l’équipe des Feux Follets s’efforce de s’investir tant elles sont essentielles in fine pour les patients. Il en va ici de la pérennisation et de la robustesse du système de délivrance des produits hypoprotidiques dont nous dépendons tous ! Retrouvez le courrier que nous avons rédigé en ce sens ! ».

  • En fin d’après-midi figurait de plus au programme du Congrès de l’Alliance Maladies Rares un atelier de présentation du Projet « Rare 2030 » régit par la Commission Européenne, ainsi que de discussion de la feuille de route européenne pour 2030.
  • Une première table-ronde a consisté à croiser les regards entre Belgique, France et Luxembourg pour aborder les freins et leviers des politiques de lutte contre les maladies rares dans ces pays européens. Ces interventions m’ont permis de mieux me rendre compte de comment le niveau national et européen s’articulent.
  • Une seconde table-ronde a mis en débat la question suivante : « Qu’attendre de l’Europe, quelle feuille de route pour 2030 ? ».

J’en ai principalement retenu deux aspects majeurs :

  • L’idée de la création d’un réseau européen de référence regroupant tous les acteurs afin de parvenir à une structuration, non seulement des soins, mais aussi de toute l’architecture de tout l’écosystème dont ils dépendent. Les Réseaux Européens de Référence Maladies Rares (ERN), comme les filières de santé en France, occupent une part très importante de cette structuration mais d’autres types d’expertises sont nécessaires (voix des patients, négociation des coûts des médicaments, etc.) ;
  • La défense et le renforcement du dispositif des médicaments orphelins avec l’évaluation prochaine des Règlements Orphelin (mis en place en 2000) et Pédiatrique (instauré en 2006).

Cet évènement m’a donné l’opportunité de mieux connaître les instances en lien avec l’Alliance Maladies Rares et il m’a permis de mieux comprendre comment leurs actions s’intriquent. La mise en perspective sur le plan européen était là aussi très instructive.

Merci beaucoup à Alliance Maladies Rares pour cette journée complète au riche programme très qualitatif : un premier Congrès digital réussi !

Pour conclure, deux rendez-vous sont à noter dans votre agenda : soyez connectés les 4 et 5 décembre 2020 pour le Téléthon et un nouveau Congrès d’Alliance Maladies Rares nous attend les 4 et 5 juin 2021. Il devrait normalement se dérouler en présentiel.

Nous vous tiendrons informés dès que nous disposerons de plus de détails !

Lexique des abréviations

*eugénique : théorie cherchant à opérer une sélection sur les groupes humains à partir des lois de la génétique

Nathalie COULOMB

Administratrice et adulte PCU (Strasbourg)