Le 30 novembre dernier, Amélie GAMBA a représenté Les Feux Follets lors de la journée de la filière de santé des maladies héréditaires du métabolisme (G2M) dédiée à l’éducation thérapeutique du patient (ETP). J’ai également assisté aux échanges ce jour-là et je vous en propose un retour.

Au programme de cette journée en ligne : une découverte des formations et programmes ETP de la filière G2M, une présentation de nouveaux programmes mis en place par la filière G2M, une information sur les actions menées par la filière G2M en matière de transition enfant-adulte et d’évolution du suivi médical, les retours d’expériences ETP de soignants et d’associations de patients dont celui des Feux Follets, un état des lieux des activités conduites sur le plan clinico-diététique, puis de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), de l’Agence Générale des Équipements et Produits de Santé (AGEPS) et de la commission d’alimentation. L’après-midi ont ensuite suivi des témoignages en lien avec le travail d’ETP et l’accompagnement réalisé dans le cas des maladies de Hunter et de Sanfilippo, avec la présentation d’un film poignant au sujet de familles touchées par de telles affections (des mucopolysaccharidoses). La journée s’est finalement clôturée par un temps de discussion entre intervenants et participants.

Professeur Pascale DE LONLAY, en tant que coordinatrice de la filière G2M, a introduit la journée. Docteur Karine MENTION de Lille, Docteur Jean-Baptiste ARNOUX de l’hôpital Necker à Paris, ainsi que Professeur François FEILLET de Nancy sont notamment intervenus ; de même que Laurent FRANCOIS, chargé de mission diététique à l’hôpital Necker de Paris, et les diététiciennes Annick PERRIER de Lyon et Aline DERNIS de Lille.

Bon nombre des interventions des professionnels de santé à l’occasion de cette journée concernaient tout directement la phénylcétonurie, c’est pourquoi la restitution est assez longue :

  • Un projet pilote d’ETP pour les patients atteints de phénylcétonurie est actuellement conduit à Toulouse par le Docteur Guy TOUATI. Le Docteur Magali GORCE est intervenue pour illustrer les actions d’ETP déjà effectuées à Toulouse. Elles comprennent de l’ETP individuelle se focalisant sur un patient en particulier et sa famille, ainsi que de l’ETP de groupe, destinée à plusieurs patients et/ou leurs proches.

Suite à l’annonce du diagnostic d’une maladie rare, pour s’adapter au rythme de compréhension des familles et au rythme d’acceptation de la maladie, il est nécessaire de passer par des échanges personnalisés et de l’ETP individuelle. Cela contribue à nouer une relation particulière entre l’équipe médicale et les familles. Les cliniciens peuvent ainsi mieux les connaître.

Quant à l’ETP de groupe, il donne la possibilité aux professionnels de santé d’avoir des échanges différents de ceux normalement permis en consultation avec leurs patients. À Toulouse, en ce qui concerne la phénylcétonurie, deux journées par an et une fête de Noël y sont d’ordinaire dédiées.

En réponse à l’appel à projet relatif aux programmes d’ETP, une candidature a été déposée par le Docteur TOUATI et son équipe. Fin 2019, elle a été acceptée et le projet a pu être lancé.

Depuis, le programme d’eETP pour la phénylcétonurie se construit en collaboration avec Les Feux Follets, les centres de référence de Necker et de Lille, ainsi que les centres de compétence de Bordeaux et Limoges.

À titre d’exemple, le référentiel de compétences, rédigé récemment par le Docteur TOUATI, a entre autres été transmis aux Feux Follets pour relecture. Suite à l’étude du document, l’association a fait part de ses propositions complémentaires à l’équipe médicale.

Le programme d’eETP se compose de quatre modules : un sur les connaissances à acquérir sur la maladie, deux sur les connaissances et compétences à assimiler sur le plan diététique et un relatif aux diverses compétences d’adaptation (surveillance de la maladie, gestion de la vie quotidienne et de la vie sociale, plus un focus spécifique sur la grossesse des femmes PCU).

Des objectifs pédagogiques spécifiques sont alloués à chaque module, en fonction de la tranche d’âge considérée. Le type d’outils utilisables et de participants (enfants et parents, enfants seuls, patients et conjoints) est aussi déterminé pour chaque module.

Une fois le référentiel de compétences validé, chaque séance pourra être détaillée et développée. Les outils numériques pour ce programme d’eETP doivent aussi encore être déterminés. Une réflexion est également à mener afin de partager ce projet et sa prochaine réalisation avec d’autres programmes d’ETP, pour pouvoir en faire profiter d’autres maladies traitées elles aussi par régime hypoprotidique.

Pour l’instant, il est prévu que ce programme d’eETP comprenne des présentations et outils accessibles en ligne et en autonomie par les familles, ainsi que (peut-être) des séances d’ETP programmées en direct.

À noter : un autre programme d’ETP en lien avec la phénylcétonurie va aussi être développé à Rennes.

  • Lors de son intervention, au nom de l’association, Amélie a remercié les professionnels de santé pour leur implication dans ce projet d’ETP et pour toute leur ambition avec ce programme très complet en cours de réalisation. Elle a aussi rappelé que l’ETP est la base d’une bonne prise en charge. Le but poursuivi avec l’ETP est de permettre aux parents aidants tout d’abord puis, aux patients eux-mêmes, de devenir acteurs de leur maladie. Cela passe par l’acceptation, puis l’observance du régime alimentaire au long cours.

Amélie a également donné un éclairage sur l’association, ses actions et réalisations. La vidéo récapitulative des rencontres adultes, diffusée pendant la journée, en a donné une bonne illustration.

Puis, en faisant le parallèle avec les outils de communication et les outils pédagogiques développés par l’association, Amélie a souligné qu’« En matière d’ETP aussi, il est important d’avoir le bon format pour la bonne cible ! À l’heure actuelle, le format numérique est à privilégier. On le constate quand on voit le nombre de vues sur les vidéos PCU & PKU Kids. ».

Amélie a insisté sur le fait que : « Les grands enjeux, dès le plus jeune âge, sont de bien comprendre la maladie en premier lieu, car c’est la clé de tout, puis de maîtriser le traitement de la maladie, de savoir en assurer la surveillance et de pouvoir s’adapter aux situations, ainsi que d’être en mesure, pour tenir le régime hypoprotidique sur le long terme, de s’autonomiser, de se responsabiliser et de s’intégrer en société. ».

Amélie a, en outre, donné quelques exemples de difficultés rencontrées par les patients et leurs proches dans la gestion de la maladie. Un programme explicatif sur les bonnes pratiques en matière de Guthrie aurait tout son sens au vu des nombreuses questions que l’association reçoit à ce sujet ! De même, les projets « grossesse » et la reprise ou le renforcement du régime par certains patients pourraient être accompagnés par des actions d’ETP. Une meilleure connaissance du fonctionnement du circuit de délivrance des aliments hypoprotidiques et des acides aminés serait également à favoriser.

L’association souhaite ardemment que le « second cercle », comme par exemple les grands-parents, puisse être à son tour inclus en matière d’ETP.

Enfin, le programme d’eETP devra permettre aux patients d’avoir une bonne connaissance des nouveaux traitements de la phénylcétonurie afin qu’ils soient bien informés des possibilités qu’ils offrent dans certains cas. Nous sommes convaincus que pouvoir aborder ces aspects augmentera la confiance des patients en leur équipe médicale et également la bonne observance du régime hypoprotidique au long cours.

Dans le cas de la leucinose, certaines situations sont à risque de décompensation. L’ETP est donc fondamentale ! D’une part, comme le traitement chronique est très lourd. D’autre part, comme le traitement des décompensations nécessite une formation complète des parents dès que le diagnostic est posé.

En matière d’ETP, il faut parvenir à relier les attentes des patients à celles des professionnels de santé, avec ce qu’ils souhaitent communiquer et faire passer comme connaissances et comme acquisition de compétences.

Dans cette optique, Docteur ARNOUX a présenté la plaquette explicative de l’auto-prélèvement destinée aux patients atteints de leucinose. Cet outil pédagogique sera prochainement décliné en une plaquette dédiée aux patients atteints de phénylcétonurie.

Que ce soit dans le cas de la leucinose ou dans le cas de la phénylcétonurie, la qualité du prélèvement est très importante. Deux beaux ronds complets sur le buvard sont nécessaires pour obtenir un « bon » Guthrie. Rappelons aussi qu’une tâche correcte doit traverser le buvard et être homogène.

L’association Les Enfants du Jardin a rappelé que, sur le plan de l’ETP, la question majeure des familles découvrant le régime hypoprotidique à la naissance de leur enfant est : « Qu’est-ce que je fais manger à mon enfant maintenant ? ». Car, « Très peu manger de protéines ou quantifier la protéine, ça ne parle pas à grand monde ! »

C’est pourquoi Les Enfants du Jardin ont soutenu la création d’un livre de recettes intitulé Le plaisir de manger – Recettes hypoprotidiques adaptées aux maladies héréditaires du métabolisme protidique. Henri TROTZIER, diététicien de formation et patient atteint d’homocystinurie, en est l’auteur. Validé par Laurent FRANCOIS et William PERET, diététicien à Bordeaux, l’ouvrage comprend des idées de menus (entrées, plats, desserts) à teneurs réduites en protéines. Le livre a été offert par Groupama et sera disponible au sein de la filière G2M (350 exemplaires lui sont d’ores et déjà parvenus).

  • Les Feux Follets font partie du groupe de travail sur la transition enfant-adulte de la filière G2M, coordonné par les Docteurs Yann NADJAR et Marine TARDIEU. Il est composé de médecins, d’une psychologue, d’une diététicienne et d’associations de patients.

Dans l’optique de faciliter cette transition, plusieurs objectifs ont été définis :

– effectuer la rédaction d’un document de recommandations afin d’aider les différentes équipes de la filière G2M et pour lister tous les points à aborder au moment de la transition ;

– élaborer un livret de transition (ou de synthèse), une sorte de « passeport santé » du patient ;

– concevoir un carnet personnel, c’est-à-dire un document permettant au patient de mettre par écrit ses interrogations concernant sa maladie et l’impact de sa maladie sur différents aspects de sa vie (dont la transition), pour une meilleure compréhension mutuelle avec les intervenants médicaux et paramédicaux impliqués dans son suivi.

Pour l’instant, seul le projet de livret de transition a été concrètement entrepris. Le but de ce document est de faciliter et d’optimiser le passage d’informations de l’équipe de pédiatrie à l’équipe en charge des patients adultes. Il est destiné prioritairement aux médecins et équipes pluridisciplinaires en charge de chaque patient. Il est souhaitable que le patient en possède un exemplaire afin qu’il puisse le montrer à toutes les personnes qui s’occupent de lui, que ce soit à l’hôpital ou en médecine de ville.

Ce livret a été testé depuis avril 2020 par trois équipes médicales avec plutôt de bons retours. Le test concerne un patient atteint d’une myopathie, un patient atteint d’une leucinose et un autre patient atteint d’une phénylcétonurie.

Les derniers retours sont attendus pour une finalisation et une mise en forme du document, avant qu’il puisse être diffusé via le site internet de la filière G2M et via la newsletter. Un an après son lancement, la praticité du livret sera également évaluée par les équipes de la filière G2M.

Pour répondre aux problématiques similaires rencontrées par les patients atteints de maladies rares au moment de la transition, un outil commun a été mis au point par un groupe de travail interfilières.

Il présente les cinq dimensions à travailler pour une transition réussie :

  • Les diététiciennes de Lille et Lyon, Aline DERNIS et Annick PERRIER, nous ont présenté un guide pratique de prise en charge des patients phénylcétonuriques à destination des professionnels de santé, qui nous a particulièrement intéressées avec Amélie. Il comprend un volet de la naissance à 12 ans, un volet pour les plus de 12 ans et un volet relatif à la grossesse des femmes PCU.

Rappelons le contexte. Le Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) de la phénylcétonurie a été remis à jour suite aux recommandations européennes en mai 2018, notamment sur le plan des tranches d’âge et des taux métaboliques cibles à atteindre.

Dans la lignée du nouveau PNDS, ce guide a été créé pour répondre à la volonté :

– d’une uniformisation des pratiques diététiques ;

– d’une aide à la formation des nouvelles diététiciennes ;

– de protocoliser les prises en charges des patients aux divers âges du régime ;

– de proposer un résumé médical du PNDS (qui fait une cinquantaine de pages en tout).

Pour l’élaboration de ce guide, un groupe de travail s’est attaché à sa rédaction et un autre à sa relecture. Je remercie vivement Professeur François FEILLET du Conseil Médical des Feux Follets, ainsi que l’équipe des diététiciennes qui me suivent à Strasbourg, Marie-Paule CARAVITA et Agnès HUBSCH-SEYBEL, d’avoir participé au groupe de relecture en lien avec d’autres professionnels de santé.

  • Le Professeur FEILLET a ensuite fait un état des lieux des structures CNAM et AGEPS, ainsi que de la commission d’alimentation.

Il a rappelé que la commission d’alimentation se réunit une fois par an pour déterminer les Denrées Alimentaires Destinées à des Fins Médicales Spéciales (DADFMS ) qui seront inscrites sur la liste AGEPS et donc remboursées. Cette commission est composée de médecins, diététiciens, ainsi que des représentants de la CNAM et de l’AGEPS.

Tous les nouveaux produits présentés par les industriels sont montrés aux équipes des centres métaboliques, puis sont distribués par les équipes diététiques à des patients qui donnent leur avis sur chacun de ces produits. Si l’évaluation des patients est positive, les professionnels de santé statuent ensuite sur l’utilité du produit. S’il apporte quelque chose à la gamme de produits déjà disponible pour les patients, l’AGEPS est alors sollicitée. Si l’AGEPS est d’accord et en capacité d’intégrer ce produit à la liste des produits rétrocédés, il est ensuite inscrit sur la liste des produits rétrocédables. Si l’évaluation produit s’avère négative à l’une de ces étapes, alors il est au contraire refusé.

Vous trouverez ici la liste des produits rétrocédables par l’AGEPS.

À noter : Le comité de nutrition humaine de l’ANSES doit aussi évaluer le produit en termes de qualité nutritionnelle pour les patients. C’est une bonne chose mais, l’ANSES rend ses évaluations avec en moyenne deux ans de délai, c’est pourquoi les équipes médicales donnent des accords positifs sous réserve que l’ANSES valide à son tour.

Dans le cas de la phénylcétonurie, l’AGEPS a le monopole en matière de fourniture des produits spéciaux, ce qui n’est pas le cas pour toutes les maladies du métabolisme. Les locaux de l’AGEPS ont une certaine taille, la capacité de stockage s’en trouve limitée, ce qui amène actuellement à une importante réflexion. Les Feux Follets ont ainsi été invités à participer à une réunion de la filière G2M sur l’observatoire du traitement le 4 décembre dernier et le travail en commun se poursuit.

Si vous souhaitez accéder à l’intégralité de cette E-Journée organisée par la filière G2M, je vous incite à prendre le temps de regarder cette vidéo :

Nous remercions la filière G2M pour l’organisation de cette E-Journée au riche programme !

Lexique des abréviations

Nathalie COULOMB

Administratrice et adulte PCU (Strasbourg)