Témoignage de Pierre POMMER
Bonjour à tous,
Je suis un ancien combattant d’un lymphome B diffus à grandes cellules et PCU classique depuis ma naissance. Depuis plusieurs années maintenant, je suis membre du Conseil Des Jeunes et tout au long de ma maladie, j’ai été accompagné par l’association.
Je vais vous expliquer ici mon vécu avec ce cancer. L’oncologue qui m’a soigné dit qu’il s’est déclaré à partir d’un autre cancer, logé dans ma rate, qui n’était pas actif. Vous allez savoir mon ressenti et mes galères de la fin de l’année 2012 jusqu’en novembre 2013. Vous percevrez les problèmes liés à la phénylcétonurie comme ceux qui sont directement liés au cancer.
Bonne lecture à tous.
J’ai terminé mon contrat d’apprentissage et obtenu mon Cap MBC le 31 août 2012. J’étais épuisé mais, avec l’année que je venais de passer, cela paraissait normal. Un projet de brevet professionnel de peinture trottait dans ma tête depuis longtemps, je me suis inscrit au CFA et j’ai commencé à chercher un patron. J’étais à la maison et tentais de faire des petits travaux pour m’occuper. Cela faisait déjà quelque temps que mes pantalons glissaient, que je n’avais pas faim, ma mère parlait de mettre une ceinture, de stress, me faisait des petits plats pour que je mange et je riais.
En octobre, je passais mes journées devant la télévision, je m’endormais plusieurs fois par jour, je ne bougeais plus. Et quand ma mère rentrait, elle râlait. Lorsque j’ai commencé à parler de mon mal au ventre, elle a craqué : « qu’est-ce que tu attends pour aller voir le médecin ? » J’avais perdu 11 kilos, marcher m’épuisait, mais je riais toujours.
Le médecin a parlé de problèmes intestinaux : colite ou autre, et a demandé une prise de sang. C’est là que tout s’est précipité. Ma mère, appelée par le médecin, a lâché son travail en pleine après-midi. J’ai perdu le contrôle, elle a tout pris en main. Aller-retour pour l’hôpital d’Avignon. Examen complémentaire et pré diagnostic : c’est un cancer.
Hospitalisation le lundi matin. L’oncologue est très chouette, il parle et explique tranquillement, il rassure. En fait il n’est pas sûr, il ne sait pas vraiment ce que j’ai. La diététicienne vient, m’écoute lui raconter mon régime, téléphone à droite et à gauche, cherche un repas adapté. Tout le monde s’excuse parce qu’ils n’ont pas exactement ce qu’il faudrait. Je suis le cas pas banal, le jamais vu. On finit par me trouver des légumes et des fruits à manger.
Puis brusquement, branlebas de combat, le médecin revient, « voilà c’est trop complexe, le cancer je sais le soigner , la phénylcétonurie je ne sais pas du tout ce que c’est , je ne veux pas faire d’erreur, allez donc voir à Nîmes , ils sont CHU et c’est mieux pour vous. » Direction Nîmes, Hôpital Caremeau, Hall 2 étage 2.
On prend les mêmes et on recommence. Sauf que là, ils n’ont pas du tout cru au lymphome et ils se sont jetés sur moi pour faire vite, vite, vite, des compléments d’analyse : et je te prends un morceau de moelle et un morceau d’os aussi, et je te rate et je recommence, et je te palpe, et bon sang que cette rate est grosse… et que je te reprends un peu de sang et un peu de moelle… et un autre scanner et une autre radio… Et pour les piqûres ? Et bien : un implant dans le bras (pic line) pourquoi pas, puisqu’on n’arrive pas à lui mettre de cathéter !
Tout ça en une semaine.
Et pour manger, me direz-vous ? Et bien là, la diététicienne est venue vite fait, elle n’a rien expliqué à personne et il a fallu la semaine pour que mon plateau ressemble à quelque chose ; « ah , c’est le petit qui mange pas pareil, attendez, je vais voir ce qu’on a … » Et ça se terminait avec toujours la même chose : pâtes ou riz, patates ou carottes, salade ou betteraves, deux fruits ou deux compotes. Alors moi, qui n’avait pas faim, je ne vous dis pas le plaisir que j’avais à voir arriver ces plats toujours identiques…
Le jeudi, on sait ce que ce n’est pas : leucémie foudroyante. Le lundi, on sait ce que c’est : lymphome B diffus à grande cellules stade 3. On me place le portacath (chambre implantable). C’est parti pour une chimiothérapie agressive (c’est les mots d’Agathe, mon oncologue préférée) parce que c’est un lymphome agressif et qu’il faut faire vite. Ma mère ne dit rien, et on a la trouille tous les deux. Pendant 5 mois, c’est un à trois jours tous les quinze jours de traitement avec les effets secondaires à la maison et une tonne de médicaments et plus de cheveux.
Je maigris encore, je n’ai pas faim, même mes pâtes chéries ne passent pas. Et les compléments alimentaires classiques ne sont pas faits pour les PCU. Sur les conseils de Mme Pinard, diététicienne au CHU de Montpellier, ma mère fait venir du glucose (Maxijul et Energivit) et je me mets à l’eau sucrée (berk) mais ça m’aide à reprendre des forces. En février, après la troisième chimio, je m’effondre un soir chez ma sœur, pompiers hôpital, chambre stérile, je n’ai plus ni blanc ni rouge ni plaquette. J’ai droit à mes premières transfusions, mais l’alimentation ne s’améliore pas, je ne veux plus rien. Mes sachets de phlexy 10 me dégoutent, mes comprimés de phlexy-vits me font vomir et les carottes et le riz et tout le reste…
Ma mère fait venir en catastrophe des gourdes de PKU Cooler. pour remplacer. Je reprends peu à peu des forces et je rentre à la maison. Je m’applique à manger, je m’applique à boire le Maxijul, je prends mes Cooler, je reste allongé des heures durant, je m’ennuie ; je décide de m’inscrire à un cours par correspondance comment monter son entreprise et je me mets au travail. Ça me change les idées mais ça ne me donne pas faim. Les journées passées à l’hôpital de jour sont folklo. Les gens sont super sympa, je vois passer des tas de malades de tous les âges, mais les plus âgés ont un regard affectueux pour moi ; le pauvre : il est si jeune… Faut dire que je n’ai plus un poil sur le caillou.
Et le plateau repas, me direz-vous ? Faut voir ça, deux assiettes de pâtes à l’eau et débrouille toi. Finalement, ma mère apporte de la maison et chauffe au micro-onde du service. C’est plus facile et nettement meilleur.
Voilà, peu à peu le méchant lymphome s’éloigne, ma rate reprend sa place, elle diminue, les toubibs sont contents, ils le disent. Nouvelles séries d’examens, (avec prélèvement de moelle bien sûr…). Nouveaux résultats : rémission. Le traitement continue : anti récidive. Pas plus simple, mais le moral, lui, est meilleur. Je grossis, un kilo après l’autre, je recommence de dévorer, je me fais des pâtes au goûter, je me fais des pâtes au petit-déjeuner. Je mange. C’est en novembre qu’Agathe me dit que c’est fini : je suis guéri.
Il y aura des contrôles, il y aura des scanners et tout et tout, mais le lymphome est derrière moi. Et je garde ma PCU et mon régime et mes Cooler, et je recommence à rire.
Pierre POMMER
Adulte PCU, 21 ans