27 juin 2023

 

Chaque année, ce sont plus de 730 000 enfants qui naissent en France. Certains voient le jour en étant porteurs d’une maladie rare, grave, évolutive. Afin de prévenir l’apparition de sévères complications pour certaines de ces maladies et d’accompagner le plus tôt possible les familles, la France s’est dotée en 1972 d’un programme de dépistage néonatal. Il s’agit de dépister systématiquement tous les nouveaux nés pour 13 maladies rares et graves. En 2021, ces maladies ont été dépistées auprès de plus de 1 000 nourrissons,« soit une incidence d’un enfant malade pour 641 naissances », a annoncé le ministre de la Santé et de la Prévention lors de la Journée nationale du dépistage néonatal, le 18 novembre 2022.

Actuellement, ces maladies mortelles ou fortement invalidantes sont dépistées par prélèvement de gouttes de sang sur papier buvard ; buvards acheminés par la Poste aux laboratoires d’analyses. Une durée courte d’acheminement de ces buvards est primordiale pour pouvoir analyser le plus rapidement possible le sang prélevé. Pour deux maladies, la leucinose et l’hyperplasie congénitale des surrénales, des évolutions extrêmement défavorables peuvent conduire à des comas et des hospitalisations longues en réanimation et des décès dès les premiers jours après la naissance. Il s’agit dès lors de tout faire pour dépister au plus tôt pour éviter ces situations dramatiques en mettant en place dès les premiers jours de vie des protocoles de soins et un accompagnement médical efficaces.

Durant plus de 50 ans, la Poste, service public postal universel, a assuré une mission d’excellence indispensable à ce programme de dépistage précoce de maladies rares chez les nourrissons : celle d’acheminer en 24 heures maximum les papiers buvards depuis les maternités jusqu’aux centres d’analyses agréés.

Depuis la mise en place de ce dépistage néonatal acheminé par la Poste, plus de 37 millions de nouveau-nés ont été dépistés en France et plus de 30 000 enfants ont eu la vie sauve ou bien ont pu éviter un handicap lourd, grâce à une prise en charge rapide.

Malheureusement, la Poste n’assure plus aujourd’hui ce service en 24 heures. Lors de la crise sanitaire en 2020, l’acheminement par la Poste des buvards avait déjà été fortement malmené. Le Centre National de Coordination du Dépistage Néonatal et la Société Française du Dépistage Néonatal avaient alors alerté les autorités publiques et les citoyens[1]. Actuellement, l’acheminement des buvards se fait au mieux en 48 heures et une augmentation très significative des buvards acheminés en plus de 4 jours a été constatée dans plusieurs régions.

Ainsi, les évolutions mises en œuvre par la Poste, dans le cadre de l’une de ses missions de service public, le Service universel postal, font peser le risque d’un dépistage tardif de certaines maladies et donc d’un retard de prise en charge médicale pour de nombreux nourrissons nés ces dernières semaines et à venir.

Par ailleurs, le programme de dépistage néonatal est évolutif et étudie de nouvelles maladies métaboliques qui pourraient y être intégrées, avec les 13 maladies déjà présentes. Certaines des maladies étudiées présentent des profils de gravité assez similaires à la leucinose et à l’hyperplasie congénitale des surrénales. La célérité de l’acheminement des buvards est donc également cruciale pour les maladies à venir.

L’allongement du délai d’acheminement par la Poste est susceptible de remettre en question l’intégration de ces nouvelles maladies dans le programme de dépistage néonatal ce qui aboutirait à des pertes de chance dramatiques pour des dizaines de nourrissons présentant ces maladies très rares.

L’Alliance maladies rares et les associations de patients adhérentes concernées – Les Feux Follets, Les Enfants du jardin et l’Association Surrénales – n’acceptent pas cette situation et dénoncent cette offre dégradée de service public afin de protéger l’intérêt des nourrissons à naître et de leurs parents.

C’est pourquoi, nous demandons à Monsieur Philippe Whal, président-directeur général de la Poste, de tout mettre en œuvre pour garantir à nouveau l’acheminement en 24 heures maximum des papiers buvards depuis les maternités jusqu’aux centres d’analyses compétents et ceci sans devoir recourir à des propositions commerciales coûteuses.

Le groupe La Poste est une société anonyme dont l’actionnariat est constitué de la Caisse des dépôts et consignations (66 %) et de l’État (34 %). Le législateur a confié au groupe La Poste quatre missions de service public dont le service universel postal. Les conditions d’exécution des missions de service public sont précisées dans le cadre du contrat d’entreprise conclu entre l’État et La Poste. C’est pourquoi, nous appelons également la Première ministre et le ministre de la Santé et de la Prévention, à agir vite pour ne pas accepter en l’état un service dégradé avec des répercussions évidentes en termes de santé publique et de rétablir pour cet enjeu de santé le fonctionnement originel de ce service public exemplaire.

La santé est notre bien commun. Il ne doit pas relever d’une pure logique commerciale.

 

Alliance Maladies Rares – Association Surrénales – Les Feux Follets – Les Enfants du jardin –

Société Française du Dépistage Néonatal – Société Française de Santé Publique

[1] https://theconversation.com/le-covid-19-met-en-peril-le-depistage-neonatal-135263