Nous vous partageons un article paru en Anglais sur le site Phénylcétonurie Québec – écrit par Suzanne Ford, diététicienne pour NSPKU (The National Society for Phenylketonuria) et le Dr Ben Green (Conseiller en recherche en affaires médicales).

Tristan de Phénylcétonurie Québec nous a proposé d’en faire le relais – Merci à lui  :

 

Ce texte est une traduction de l’article “The Importance of Diet for Life” paru dans le magazine “News & Views | 158e édition” et écrit par Suzanne Ford, diététiste (NSPKU) et par le Dr Ben Green, PhD., conseiller de recherche en affaires médicales (Nutricia).

Il existe de nombreuses demandes d’assistance téléphonique concernant le régime alimentaire pour la vie – cet article fournit quelques explications sur les connaissances actuelles au sujet de la phénylalanine et le cerveau en lien avec la phénylcétonurie (PCU).[1] [2] [3]

Pourquoi le régime à vie n’était pas recommandé avant ?

Pendant longtemps, de nombreux professionnels de la santé croyaient que le régime PCU pouvait être arrêté à partir de l’âge de 6 ans sans effets néfastes1,2. Cette recommandation était motivée par la croyance que des taux élevés de phénylalanine ne sont toxiques pour le cerveau que pendant les périodes de croissance et de développement. Les premières études ne démontraient pas non plus d’effets néfastes lors de l’arrêt du régime PCU3-5, mais ces conclusions reposaient sur des études portant sur un petit nombre de patients et sur des procédures scientifiques différentes, ainsi que sur des études ayant peu d’applications pratiques ou cliniques.

Pourquoi le régime à vie est-il maintenant recommandé?

On sait depuis longtemps que le développement d’une région du cerveau appelée cortex préfrontal et que la formation de myéline se poursuivent pendant l’adolescence et que ce processus n’est pas complété avant l’âge adulte. La littérature scientifique et de nombreux professionnels de la santé s’accordent à penser que le régime PCU doit être poursuivi à vie. Ce point de vue s’est encore renforcé avec la publication des directives européennes sur le diagnostic et la gestion de la PCU6, qui reposaient sur un nombre considérable de recherches.

Que se passe-t-il si vous ne suivez pas le régime à vie?

Les patients adultes qui ont arrêté le régime PCU ont des problèmes de fonctionnement exécutif, de traitement de l’information (temps de réaction, d’attention) et d’humeur (conscience de soi, anxiété, dépression et faible estime de soi) par rapport aux adultes qui ont poursuivi leur régime alimentaire à vie et aux adultes non PCU7-11. Il est important de noter que ces complications ne sont pas immédiatement perceptibles et peuvent prendre un certain temps à se manifester (et les difficultés rencontrées peuvent être d’une gravité variable).

Que se passe-t-il dans le cerveau d’une personne PCU qui ne suit pas le régime?

Les effets négatifs de la toxicité de la phénylalanine sont complexes et loin d’être bien compris. Bien qu’un niveau élevé de phénylalanine soit assurément dommageable pour le cerveau, ses causes demeurent hypothétiques. Deux causes probables de ce déclin neurologique ont été identifiées: des modifications de la substance blanche et un dysfonctionnement du cortex préfrontal en raison de modifications des neurotransmetteurs.

Qu’est-ce que la substance blanche dans le cerveau?

La substance blanche représente plus de la moitié du cerveau humain et contient des fibres nerveuses (axones) qui sont des extensions de cellules nerveuses (neurones). Beaucoup de ces fibres nerveuses sont entourées d’un revêtement appelé myéline. La myéline, mélange de protéines et de matières grasses, donne sa couleur à la matière blanche et contribue à maintenir la vitesse et la transmission des impulsions électriques12. L’augmentation des concentrations et des dommages à la structure de la substance blanche est très répandue dans la PCU, car environ 90% des patients présentent des anomalies13.

Qu’advient-il de la substance blanche avec la PCU?

La progression et la gravité des anomalies de la substance blanche sont influencées par l’âge (la situation empire dès l’âge de 20 ans), la conformité à la restriction de la phénylalanine et l’exposition prolongée à des taux élevés de phénylalanine14. On pense qu’une exposition prolongée à la phénylalanine augmentée bloque la formation de myéline13. Comme la myéline aide à la transmission des impulsions électriques, les perturbations du fonctionnement exécutif observées chez les patients atteints de PCU ne suivant pas le régime alimentaire confirment l’hypothèse selon laquelle les taux élevés de phénylalanine ont un impact sur la myélinisation. Fait intéressant, la recherche montre que ces changements cérébraux peuvent être inversés lorsque le régime PCU est repris avec une stricte conformité13. La durée de l’observation stricte du régime nécessaire pour réduire les anomalies de la substance blanche n’est pas connue, mais des études d’imagerie suggèrent qu’un minimum de deux mois de restriction stricte de la phénylalanine pourraient être nécessaires15.

Qu’en est-il de la théorie des neurotransmetteurs avec la PCU?

La toxicité de la phénylalanine est également associée à un dysfonctionnement du cortex préfrontal dû à des modifications des neurotransmetteurs (messagers chimiques dans le cerveau). En raison d’une absorption plus élevée de phénylalanine dans le cerveau16, des carences en tyrosine se produisent, ce qui diminue les concentrations atteignant le cerveau17. Comme la tyrosine est importante pour la production de neurotransmetteurs, on croit que de faibles niveaux de tyrosine entraînent des modifications des neurotransmetteurs et un dysfonctionnement du cortex préfrontal. En général, le cortex préfrontal aide à la prise de décision, aux fonctions exécutives et à la stabilité émotionnelle. Une fois de plus, le retour à un régime alimentaire restreint en phénylalanine entraîne des améliorations dans les trois domaines : fonctionnement exécutif, prise de décision et stabilité émotionnelle18,19. Il a également été prouvé que la prise de substituts de protéines contenant de hauts niveaux d’acides aminés neutres (que tous les substituts de protéines contiennent) réduit l’absorption de phénylalanine dans le cerveau20et améliore encore son fonctionnement21.

Comment cela affecte-t-il les personnes atteintes de PCU qui ne suivent plus de régime?

Malheureusement, le manque de conformité à la restriction de la phénylalanine tout au long de la vie est courant22-24, en particulier chez les adolescents plus âgés et les populations adultes25. Nous devons nous efforcer de respecter le droit de tous les patients en fournissant des conseils fondés sur des faits et en s’appuyant sur des preuves scientifiques solides pour que les patients puissent prendre des décisions éclairées. Étant donné les difficultés associées au rétablissement d’une restriction stricte de la phénylalanine et aux complications potentielles à long terme associées à l’arrêt du régime, il semble judicieux d’encourager la restriction à vie de la phénylalanine et la supplémentation en substituts de protéines.

Avec un retour à la restriction de la phénylalanine, on constate une amélioration des niveaux de substance blanche et de neurotransmetteur. De ce fait, des améliorations du fonctionnement exécutif, du traitement de l’information et des états d’humeur, ainsi qu’un rétablissement du contrôle métabolique et une prévention des carences nutritionnelles sont également visibles.

Comment les gens peuvent-ils revenir au régime PCU?

Les stratégies d’amélioration de l’observance alimentaire ne sont pas bien étudiées dans la PCU. Aucune méthode ne sera efficace pour tout le monde et une approche individualisée pour rétablir le régime alimentaire de la PCU est essentielle. Selon certaines découvertes préliminaires de travaux non publiés, une approche progressive peut s’avérer utile. Des recherches sont nécessaires pour aider à élaborer des stratégies efficaces dans le but de parvenir à une conformité permanente au régime et aux substituts de protéines. Un soutien est disponible pour les patients souhaitant poursuivre leur régime alimentaire à vie ou pour ceux qui cherchent à s’y conformer de nouveau. Outre une grande variété de substituts prescrits disponibles dans différentes présentations (liquides, poudres et tablettes), arômes et compositions, il existe des ressources et des informations utiles en ligne et dans les médias sociaux. Avec les professionnels de la santé, les sites Web, les outils et les applications pour téléphones intelligents peuvent aider les personnes à retrouver la maîtrise de leur métabolisme.

Tandis que de plus en plus de gens continuent à suivre la philosophie du régime à vie, les connaissances relatives à leurs expériences et à leurs résultats continueront d’augmenter, ce qui enrichira notre base de données et de preuves et nous aidera à combattre les effets néfastes de la phénylalanine au sein de la communauté PCU.

Service d’assistance téléphonique / courriel : Si vous souhaitez davantage d’aide pour maintenir votre régime ou le reprendre, veuillez contacter Suzanne (diététiste) à l’aide de l’adresse courriel suzanne.ford@nspku.org ou appeler notre service d’assistance téléphonique au 030 3040 1090.[4]

Références :

  1. Horner FA, Streamer CW, Alejandrino LL, et al. Termination of dietary treatment of phenylketonuria. New England Journal of Medicine. 1962;266(2):79-81.
  2. Vandeman PR. Termination of dietary treatment for phenylketonuria. American Journal of Diseases of Children. 1963;106(5):492-5.
  3. Holtzman NA, Welcher DW, Mellits ED. Termination of restricted diet in children with phenylketonuria: a randomized controlled study. New England Journal of Medicine. 1975;293(22):1121-4.
  4. Johnson CF. What is the best age to discontinue the low phenylalanine diet in phenylketonuria? A presentation of some contributory data. Clinical pediatrics. 1972;11(3):148-56.
  5. Pueschel S, Yeatman S, Hum C. Discontinuing the phenylalamine-restricted diet in young children with PKY. Psychosocial aspects. Journal of the American Dietetic Association. 1977;70(5):506-9.
  6. van Wegberg AMJ, MacDonald A, Ahring K, et al. The complete European guidelines on phenylketonuria: diagnosis and treatment. Orphanet Journal of Rare Diseases. 2017;12:162.
  7. Channon S, Goodman G, Zlotowitz S, et al. Effects of dietary management of phenylketonuria on long-term cognitive outcome. Archives of Disease in Childhood. 2007;92(3):213-8.
  8. Didycz B, Bik-Multanowski M. Blood phenylalanine instability strongly correlates with anxiety in phenylketonuria. Molecular Genetics and Metabolism Reports. 2018;14:80-2.
  9. Moyle J, Fox A, Arthur M, et al. Meta-analysis of neuropsychological symptoms of adolescents and adults with PKU. Neuropsychology Review. 2007;17(2):91-101.
  10. Romani C, Palermo L, MacDonald A, et al. The impact of phenylalanine levels on cognitive outcomes in adults with phenylketonuria: Effects across tasks and developmental stages. Neuropsychology. 2017;31(3):242.
  11. ten Hoedt AE, de Sonneville LMJ, Francois B, et al. High phenylalanine levels directly affect mood and sustained attention in adults with phenylketonuria: a randomised, double-blind, placebo-controlled, crossover trial. Journal of Inherited Metabolic Disease. 2011;34(1):165-71.
  12. Dyer CA. Pathophysiology of phenylketonuria. Developmental Disabilities Research Reviews. 1999;5(2):104-12.
  13. Anderson PJ, Leuzzi V. White matter pathology in phenylketonuria. Molecular Genetics and Metabolism. 2010;99:S3-S9.
  14. Mastrangelo M, Chiarotti F, Berillo L, et al. The outcome of white matter abnormalities in early treated phenylketonuric patients: A retrospective longitudinal long-term study. Molecular Genetics and Metabolism.116(3):171-7.
  15. Cleary MA, Walter JH, Wraith JE, et al. Magnetic resonance imaging in phenylketonuria: reversal of cerebral white matter change. The Journal of Pediatrics. 1995;127(2):251-5.
  16. Smith QR, Momma S, Aoyagi M, et al. Kinetics of neutral amino acid transport across the blood‐brain barrier. Journal of Neurochemistry. 1987;49(5):1651-8.
  17. Pardridge WM. Blood-Brain Barrier Carrier-Mediated Transport and Brain Metabolism of Amino Acids. Neurochemical Research. 1998;23(5):635-44.
  18. Anwar M, Waddell B, O’riordan J. Neurological improvement following reinstitution of a low phenylalanine diet after 20 years in established pnenylketonuria. BMJ case reports. 2013;2013.
  19. Daelman L, Sedel F, Tourbah A. Progressive neuropsychiatric manifestations of phenylketonuria in adulthood. Revue Neurologique. 2014;170(4):280-7.
  20. Pietz J, Kreis R, Rupp A, et al. Large neutral amino acids block phenylalanine transport into brain tissue in patients with phenylketonuria. The Journal of Clinical Investigation. 1999;103(8):1169-78.
  21. Schindeler S, Ghosh-Jerath S, Thompson S, et al. The effects of large neutral amino acid supplements in PKU: an MRS and neuropsychological study. Molecular Genetics and Metabolism. 2007;91(1):48-54.
  22. Ahring K, Bélanger-Quintana A, Dokoupil K, et al. Blood phenylalanine control in phenylketonuria: a survey of 10 European centres. European Journal of Clinical Nutrition. 2011;65(2):275.
  23. Jurecki E, Cederbaum S, Kopesky J, et al. Adherence to clinic recommendations among patients with phenylketonuria in the United States. Molecular Genetics and Metabolism. 2017;120(3):190-7.
  24. MacDonald A, Gokmen-Ozel H, van Rijn M, et al. The reality of dietary compliance in the management of phenylketonuria. Journal of Inherited Metabolic Disease. 2010;33(6):665-70.
  25. Walter J, White F, Hall S, et al. How practical are recommendations for dietary control in phenylketonuria? The Lancet. 2002;360(9326):55-7.

Clé

COGNITION:Processus mentaux et pensée

 

FONCTIONS EXÉCUTIVES: Ensemble des processus nécessaires au contrôle cognitif du comportement. Les fonctions exécutives comprennent le contrôle de l’attention, la mémoire de travail, la flexibilité cognitive, le raisonnement et la résolution de problèmes.

 

MYÉLINE: Matériau composé de protéines et de graisses qui forme une couche protectrice (appelée gaine) autour de certains nerfs.

 

MYÉLINISATION:Processus de formation de myéline.

 

NEUROTRANSMETTEUR:Messager chimique qui transmet les signaux d’un neurone (cellule nerveuse) à un autre.

 

CORTEX PRÉFRONTAL: Zone du cerveau qui aide à la planification d’un comportement complexe, y compris la prise de décision et la stabilité émotionnelle.

 

SUBSTANCE BLANCHE: Tissu le plus pâle du cerveau et de la moelle épinière, constitué principalement de fibres nerveuses avec leurs gaines de myéline. La substance blanche affecte l’apprentissage et les fonctions cérébrales.