J’ai décidé, dans ce nouveau numéro de l’e-Lien, de réagir et de prendre la plume afin de rectifier certaines informations issues de l’article intitulé « Phénylcétonurie : quelle est cette maladie génétique qui peut entraîner un retard mental chez les enfants ? », publié le 5 octobre 2020 dans le magazine Femme Actuelle.

Mettre en lumière une maladie génétique rare et lui donner de la visibilité auprès du grand public en rédigeant un article est une démarche tout à fait louable en soi et totalement à saluer et encourager !

En revanche, publier un papier contenant erreurs scientifiques et imprécisions sur le sujet est tout bonnement navrant. Et voilà comment naissent, entre autres, les fake news

Il est sincèrement regrettable que cet article ait été rédigé, puis publié, apparemment sans faire l’objet d’une prise de contact avec un professionnel de santé spécialiste de la phénylcétonurie ou avec l’association de patients que nous représentons.

Tout communicant scientifique mesure l’importance de la validation scientifique et de l’exactitude des contenus relayés !

C’est pourquoi je vous propose, ci-après, une réécriture de certains points approximatifs, ou carrément erronés, de l’article initial :

  • Donner un titre accrocheur pour faire du clic, c’est le jeu sur le web, sans doute, mais je tiens à rappeler que c’est en l’absence de dépistage et de prise en charge adéquate, comprenant l’instauration d’un régime alimentaire à teneur réduite en protéines tout au long de la vie, que peut survenir un retard mental; d’où l’importance d’effectuer un dépistage néonatal systématique chez les nouveau-nés au 3ème jour de vie via le test de Guthrie et de MILITER POUR.
  • La phénylcétonurie (ou PCU) touche aussi bien les garçons que les filles, c’est un fait avéré : sa prévalence est indépendante du sexe.
  • La phénylalanine hydroxylase (ou PAH) est une enzyme, c’est-à-dire une protéine jouant le rôle de catalyseur dans les réactions chimiques du métabolisme. Elle permet la transformation de la phénylalanine en un autre acide aminé, la tyrosine. Cette fonction enzymatique est remplie au sein même de l’organisme, au niveau du foie.
  • Ce n’est pas l’enzyme qui est présente dans les protéines alimentaires mais la phénylalanine, un acide aminé, c’est-à-dire un constituant de protéines. Ce ne sont pas les enfants qui sont incapables d’assimiler cette enzyme, c’est la déficience enzymatique, donc l’activité inexistante ou très réduite de cette enzyme, qui fait que la phénylalanine présente dans les protéines alimentaires ne peut être dégradée. L’impossible réalisation de cette fonction du métabolisme entraîne l’accumulation d’une grande quantité de phénylalanine dans le sang. En circulant dans tout l’organisme, le sang véhicule partout cet excès de phénylalanine. La conséquence de cela est de provoquer un « empoisonnement » de l’organisme et la survenue d’une grave toxicité au niveau du cerveau (d’où l’expression de troubles neurologiques et d’une arriération mentale en l’absence de traitement).
  • Depuis 1972, le test de Guthrie est pratiqué systématiquement à la naissance en France. Le dépistage néonatal rend possible la mise en œuvre précoce d’un régime à teneur réduite en protéines qui permet aux enfants dépistés de ne présenter aucun symptôme. Toutefois, quand le régime alimentaire est élargi de façon excessive, certains symptômes sont susceptibles de s’exprimer.
  • Quand l’anomalie génétique concerne le cofacteur enzymatique appelé BH4 (ou tétrahydrobioptérine), l’activité de l’enzyme PAH est dégradée. Depuis quelques années, il existe un médicament (dichlorhydrate de saproptérine). Il s’agit d’une forme synthétique du cofacteur enzymatique qui permet de renforcer l’activité de l’enzyme PAH (phénylalanine hydroxylase).

 

  • Les personnes qui ne peuvent pas être traitées par ce médicament (la majorité) sont contraintes de suivre à vie un régime alimentaire strict pour contrôler leur apport en phénylalanine et, pour éviter les carences, leurs besoins journaliers en protéines sont assurés en partie par l’alimentation et complétés par la prise d’autres médicaments: des mixtures à boire plusieurs fois par jour autorisant une bonne couverture en l’ensemble des autres acides aminés.
  • Ce régime alimentaire hypoprotidique, suivi par les personnes vivant avec une phénylcétonurie, demande de bannir les aliments les plus riches en protéines, tels que les viandes, les poissons, les charcuteries, les œufs, les produits laitiers mais également certaines céréales et certains fruits et légumes (essentiellement les fruits et légumes secs).

 

  • Attention, la science évolue constamment et ce qui est vrai à un temps donné peut devenir faux ! Soutenir que « Ce contrôle métabolique est maintenu au moins jusqu’à la fin de l’adolescence et parfois encore chez les jeunes adultes. » est totalement FAUX et il est même dangereux de continuer à diffuser de telles informations !

Le seul vrai document de référence en la matière est le Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) de la phénylcétonurie de 2018. Il préconise notamment que :

  • « Le traitement doit être poursuivi toute la vie durant, et le régime ne doit plus être arrêté, comme cela se faisait précédemment. »
  • « Le régime doit être poursuivi à vie, et ne doit pas être interrompu à l’âge adulte, avec un objectif de taux de Phé [comprendre phénylalanine] ≤ 600 µmol/L [10 mg/dL]. »

Lecteurs, rassurez-vous, des sources fiables, complètes et validées par des médecins à propos de la phénylcétonurie existent !

Juste ici sur le site de notre association et, dans le PNDS de la phénylcétonurie de 2018, vraie mine d’or et référence absolue sur la question, récemment offerte à nos adhérents sous forme d’un beau livret.

Nathalie COULOMB

Administratrice, adulte PCU et médiatrice scientifique (Strasbourg)