Cette année se tenait la 34ème Conférence Annuelle de l’ESPKU. Il était initialement prévu qu’elle se déroule à Madrid et qu’une délégation du Conseil d’Administration des Feux Follets s’y rende.
De même, comme dans le cadre l’ESPKU 2019 qui a eu lieu à Izmir en Turquie, la participation d’une famille adhérente était aussi programmée sur tirage au sort après inscription au concours (dans le cadre de l’appel à cotisation en début d’année).
Mais le contexte sanitaire international a une fois encore joué les troubles fêtes cet automne dans notre calendrier évènementiel ! Pour autant, la rencontre en présentiel à Madrid a simplement été reportée d’un an et le rendez-vous est d’ores et déjà pris pour 2021.
Quant à la Conférence Annuelle de l’ESPKU, elle a mué cette année en un évènement 100 % digital : la toute première Conférence Virtuelle de l’ESPKU. Florent COTTIN, Vice-président des Feux Follets, Loïc LALIN et moi-même (tous deux administrateurs de l’association) y avons participé le 1er novembre dernier.
Retour, dans un article long mais nécessaire, sur un évènement riche en enseignements et totalement connecté au programme de notre tout premier Congrès Digital du 17 octobre 2020 !
Point extrêmement positif cette année : la Conférence de l’ESPKU a pu être suivie en ligne par des participants du monde entier !
Comme l’a exprimé Eric LANGE, Président de l’ESPKU, des sujets d’importance abordés par cinq intervenants célèbres et reconnus sur le plan international figuraient au programme :
- Directives européennes diététiques, Pr. Dr. Anita MACDONALD (Consultante en diététique appliquée à des troubles héréditaires du métabolisme à l’hôpital pour enfants de Birmingham et Professeure Honoraire en Diététique à l’Université de Plymouth en Angleterre)
Pr. Dr. Anita MacDonald nous a présenté une publication scientifique, à laquelle le Pr. François FEILLET (Médecin coordonnateur du Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme du CHU de Nancy) et le Pr. François MAILLOT (Chef de service de Médecine Interne au CHU de Tours et Professeur en Médecine Interne et Immunologie Clinique à l’Université de Tours), tous deux membres du Conseil médical des Feux Follets, ont également contribué.
Ce papier s’intitule : « PKU dietary handbook to accompagny PKU guidelines » (« Manuel diététique PCU en complément des directives européennes relatives à la PCU »).
- Données démographiques relatives à la phénylcétonurie (PCU), Pr. Dr. Nenad BLAU (Consultant sénior en génétique biochimique à l’hôpital universitaire pour enfants d’Heidelberg, en Allemagne, et professeur de biochimie appliquée aux troubles du métabolisme à l’Université de Zürich, en Suisse)
Pr. Dr. Nenad BLAU nous a rappelé que l’épidémiologie mondiale de la PCU se répartit comme suit :
- 62 % (PCU classique) ;
- 22 % (PCU modérée) ;
- 16 % (Hyperphénylalaninémie).
La prévalence de la PCU (ou nombre de personnes concernées par la maladie dans une population à un moment donné) est également, par exemple, plus importante en Europe et dans certains pays du Moyen-Orient qu’en Finlande ou qu’au Japon où elle est beaucoup moins fréquente. Il y a donc selon lui de grandes chances pour que les origines de la PCU soient étroitement reliées au continent européen.
Il a aussi relevé le rapport, c’est-à-dire la corrélation existant dans la PCU entre le génotype (ou patrimoine génétique d’un individu, c’est-à-dire l’ensemble des allèles de tous les gènes de cette personne, que ces allèles s’expriment ou non) et le phénotype (ou ensemble des caractères observables ou apparents d’un individu, qui dépend à la fois de l’expression des gènes (génotype) et de l’environnement).
Ce sont 1188 variations génétiques de l’enzyme PAH (phénylalanine hydroxylase) qui sont actuellement dénombrées ! Le gène de la PAH est très polymorphe : il peut prendre de nombreuses formes.
Pour les personnes intéressées, il existe une base de données sur les aspects biochimiques de la PCU que le Pr. Dr. Nenad BLAU et son équipe de Zürich actualisent : www.biopku.org.
- Vieillir avec la phénylcétonurie, Pr. Dr. Harvey LEVY (Médecin principal de la division de génétique et génomique et Professeur en pédiatrie de l’hôpital pour enfants de Boston aux USA)
Pr. Dr. Harvey LEVY a pointé une différence existant entre Europe et USA en matière de seuil maximal autorisé (ou niveau de sécurité à ne pas dépasser) pour le taux de phénylalanine au quotidien. Tandis qu’il est de 600 µmol/L [10 mg/dL] en Europe, aux USA il est de 360 µmol/L [6 mg/dL].
Il s’est ensuite appliqué à informer les participants à la Conférence sur les perspectives thérapeutiques futures : enzymothérapie et thérapie génique. Il a aussi rappelé que la thérapie génique peut consister en l’apport d’un gène sain afin de remplacer le gène défectueux (« gene addition ») ou encore en la réparation ciblée du gène défectueux (« gene editing » à l’aide de la technique révolutionnaire des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9).
– Sur le plan de l’enzymothérapie, il a fait référence à l’étude suivante qui a porté sur 46 patients adultes PCU : « First 1,5 years of pegvaliase clinic : experiences and outcomes » (« Premiers 1 an et demi d’enzymothérapie (modèle clinique de la thérapie par Pegvaliase ou Palynziq sous son nom commercial) : expériences et résultats »).
A noter cependant :
- La balance bénéfices / risques est à considérer pour chaque patient, chaque situation, car cette forme de traitement a encore de nombreux défis à relever, notamment sur le plan des effets secondaires et de son retard d’efficacité (longs délais existant avec ce traitement entre le moment où il est débuté et celui où les taux sont convenablement normalisés).
- La potentielle dangerosité de ce traitement questionne, avec entre autres la possible survenue de certains effets secondaires graves (fortes réactions immunitaires parfois) ; de même que l’aspect très contraignant des injections quotidiennes ! L’enzymothérapie est très souvent exposée par les spécialistes comme étant surtout indiquée pour des patients pour lesquels équilibrer le taux sanguin quotidien de phénylalanine s’avère complexe et pour lesquels le suivi du régime, plus la prise des acides aminés, sont déjà un casse-tête dans la vie de tous les jours. Alors, ces mêmes patients parviendront-ils à s’astreindre à de telles injections journalières ? La question reste entière…
– Tout récemment, les premières études aux USA en matière de thérapie génique dans le cas de la PCU ont été lancées par deux laboratoires différents et ouvrent de nouveaux espoirs :
- En septembre 2020 par BioMarin : cf. ce communiqué de presse.
- En novembre 2020 par Homology Medicines, Inc. : cf. cet autre communiqué de presse.
- Prendre soin des besoins en matière de santé mentale en prenant de l’âge avec la phénylcétonurie, Pr. Dr. Susan WAISBREN (Neuropsychologue et Professeure associée en pédiatrie à l’hôpital pour enfants de Boston aux USA)
Pr. Dr. Susan WAISBREN a donné de nombreux conseils aux patients PCU pour vivre au mieux leur quotidien et gérer leur état d’esprit : il peut en effet fluctuer en fonction, notamment, des taux sanguins de phénylalanine.
Études à l’appui, elle a considéré le lien existant entre taux sanguin de phénylalanine et humeur. Ainsi, les adultes PCU sont plus sujets aux états dépressifs et anxieux que la population générale.
Toutefois, son message est clair, ce n’est pas une fatalité et tous les ressentis des PCU ne s’expliquent pas uniquement par le spectre de leurs taux (les PCU sont avant tout humains !).
Il convient, bien sûr, d’équilibrer au mieux ses taux mais aussi de savoir se féliciter de ses réussites quotidiennes et de faire preuve de bienveillance envers soi-même.
Elle suggérait cependant de prêter attention à certains signes pour savoir si ses taux sont élevés et perturbent un fonctionnement optimal de ses facultés, comme par exemple son expression verbale qui peut alors être moins riche et moins fluide qu’avec de meilleurs taux.
- Enzymothérapie (Pegvaliase) et thérapie génique appliquées à la phénylcétonurie, Pr. Dr. Jerry VOCKLEY (Directeur en génétique médicale et Chef du centre des thérapeutiques pour les maladies rares à Pittsburgh aux USA)
Après avoir à nouveau parlé de l’enzymothérapie et de la thérapie génique, comme le Pr. Dr. Harvey LEVY plus tôt dans l’après-midi, Pr. Dr. Jerry VOCKLEY a évoqué d’autres pistes thérapeutiques étudiées actuellement :
– une piste de traitement (« VLCAD mRNA Treatment ») fondée sur l’ARN messager, copie transitoire de l’information génétique de nos cellules, qui permet ensuite aux cellules de fabriquer des protéines (donc des enzymes) par une étape de « traduction » : il s’agit d’une biothérapie nouvelle développée par l’entreprise Moderna Messenger Therapeutics ;
– une transplantation d’hépatocytes, voire même de foie, tout en rappelant la lourdeur, les risques et complications associés ;
– une administration par voie orale de phénylalanine ammonia lyase (PAL ou enzyme remplissant les fonctions de la PAH mais issue d’une plante) qui permettrait à la phénylalanine ingérée au moment des repas d’être digérée et dégradée au niveau de l’intestin grêle : il s’agit d’une piste de traitement étudiée par Nestlé Health Science et appelée CDX-6114 (cf. communiqué de presse) ;
– une administration par voie orale d’une bactérie génétiquement modifiée considérée comme un probiotique et dont le rôle serait de produire deux enzymes impliquées dans la dégradation de la phénylalanine – la phénylalanine ammonia lyase (PAL) et la décarboxylase des acides aminés aromatiques (LAAD) – c’est une piste thérapeutique examinée par Synthetic Biologics ;
– un dispositif d’analyse du taux de phénylalanine à domicile en développement chez Aptatek Biosciences.
Eric LANGE (Président de l’ESPKU), Pr. Dr. Francjan J. VAN SPRONSEN (Président du Comité consultatif scientifique de l’ESPKU et Professeur en pédiatrie et Chef de la division des maladies métaboliques de l’hôpital pour enfants Beatrix à Groningen aux Pays-bas), Pr. Dr. Maria GIZEWSKA (Vice-présidente du Comité consultatif scientifique de l’ESPKU et Professeure associée en pédiatrie à l’Université Médicale Poméranienne à Szczecin en Pologne) et Pr. Dr. Kirsten AHRING (Diététicienne nutritionnelle au Centre Kennedy à Glostrup au Danemark) ont tour à tour assuré la modération des échanges.
Retrouvez l’intégralité de la Conférence Virtuelle de l’ESPKU en vidéo :
Un immense merci à tous les acteurs de l’ESPKU de la part des Feux Follets pour la belle organisation de cette toute première Conférence Virtuelle qui a été un véritable succès !
Les perspectives futures donnent de l’espoir et les enjeux à venir n’ont jamais été aussi importants pour nous tous : patients, proches, équipes médicales, laboratoires !
J’étais loin d’imaginer que le programme de cette Conférence Virtuelle serait aussi riche. C’est pourquoi je vous encourage vivement à prendre part avec nous aux prochains évènements annuels de l’ESPKU !
Comme l’a déclaré Eric Lange, Président de l’ESPKU :
« Ask not what PKU can do for you — ask what you can do for PKU ! »
(« Ne te demande pas ce que la PCU peut faire pour toi – demande-toi ce que tu peux faire pour la PCU ! »).
Personnellement, j’ai été agréablement surprise de la qualité des informations communiquées à l’ESPKU et j’ai appris beaucoup de choses nouvelles !
Nous vous informerons dès que possible de la date de l’ESPKU 2021 qui devrait avoir lieu à Madrid.
Nathalie COULOMB
Administratrice et adulte PCU (Strasbourg)