Le 26 juin dernier, l’hôpital universitaire de Düsseldorf organisait, avec le soutien du groupe de travail relatif aux maladies héréditaires du métabolisme à l’âge adulte en Allemagne ASIM et de l’association des familles PCU en Allemagne DIG-PKU, ainsi qu’avec la sponsorisation de Biomarin, Cambrooke Therapeutics, Dr Schär, metaX, Nutricia Metabolics et Vitaflo, la Journée 2021 pour adultes PCU sous forme d’un webinaire via Zoom.

 

La phénylcétonurie représente la plus importante des maladies héréditaires du métabolisme suivie à l’âge adulte à l’hôpital universitaire de Düsseldorf. Chaque année en Allemagne, on dénombre environ 80 naissances d’enfants PCU. L’équipe médicale de Düsseldorf prend désormais en charge près de 200 patients adultes PCU. Dans les dix dernières années, ils ont assuré le suivi de plus de 40 grossesses réussies de femmes PCU.

Cet évènement en ligne était l’occasion d’aborder les principes d’un traitement efficace des adultes PCU :

  • Quels objectifs réalistes peut-on atteindre à long terme ?
  • Comment anticiper la perte osseuse se produisant occasionnellement ?
  • A quel point le patient PCU doit-il se limiter dans la vie de tous les jours ?
  • Quelle est l’importance des nouveaux médicaments ?
  • Comment se dessine une grossesse PCU réussie ?
  • Que peut faire le patient PCU lui-même à long terme ?
  • Qu’y a-t-il de neuf dans le domaine de l’alimentation à teneur réduite en phénylalanine ?

 

L’équipe médicale de Düsseldorf est à la pointe quant au suivi des maladies héréditaires du métabolisme et, en particulier, de la phénylcétonurie. Le programme élaboré spécialement pour cette journée était d’une grande qualité.

 

La visioconférence a débuté par le mot d’introduction du Pr Dr LÜDDE et la présentation du centre de Düsseldorf dédié aux maladies héréditaires du métabolisme à l’âge adulte par le Pr Dr Vom DAHL.

Deux présentations au sujet de nouveaux médicaments dans le cadre du traitement de la PCU ont alors suivi : l’une à propos du traitement par saproptérine (Kuvan), forme pharmacologique de la tétrahydrobioptérine (cofacteur BH4 de l’enzyme phénylalanine hydroxylase PAH), par le Pr Dr RUTSCH de l’hôpital universitaire de Münster, l’autre relative à l’enzymothérapie avec Palynziq par le Pr Dr MUNTAU de l’hôpital universitaire de Hambourg.

La journée s’est poursuivie par la visite de l’un des stands des laboratoires partenaires. J’ai choisi celui de Nutricia Metabolics comme cela fait des années que je reçois leur magazine trimestriel d’informations. C’était une opportunité de faire plus ample connaissance avec leur équipe et de les informer sur les actions de notre association côté français !

Mesdames BOGOVIC et KORPEL, toutes deux diététiciennes à l’hôpital universitaire de Düsseldorf, sont ensuite intervenues pour nous présenter des produits du commerce (magasins allemands comme : Edeka, Aldi, Rewe) compatibles avec un régime hypoprotidique, ainsi que de nouveaux mélanges d’acides aminés.

Le Pr Dr KÖHLER de l’hôpital universitaire de Düsseldorf a pris la parole pour exposer des données à long terme sur la PCU : quels objectifs sont à atteindre et quelles éventuelles complications peuvent survenir ?

Le médecin assistant B. FÖRNER de Düsseldorf a témoigné de grossesses réussies de femmes PCU, avant que Pr Dr MAY, également de l’équipe de Düsseldorf, ne clôture le webinaire.

J’en ai retenu plusieurs éléments :

  • L’hôpital universitaire de Düsseldorf conduit une analyse scientifique au sujet de la transition vers l’âge adulte telle qu’elle est pratiquée et des études systématiques de la grossesse PCU, ainsi que sur les capacités de concentration et le temps de réaction des PCU, sont aussi planifiées.
  • Une référence a été faite par le Pr Dr Vom DAHL à la publication scientifique suivante et à ses conclusions :

Everyday Life, Dietary Practices, and Health Conditions of Adult PKU Patients: A Multicenter, Cross-Sectional Study – PubMed (nih.gov)

82 % des patients de cette étude adhèrent au régime hypoprotidique. 45 % d’entre eux consomment des produits hypoprotidiques quasi quotidiennement et 84 % prennent régulièrement leurs mélanges d’acides aminés. 48 % des patients concernés n’ont jamais interrompu le suivi de leur régime mais 14 % l’ont arrêté de façon permanente. 69 % des patients de cette étude ont signalé se sentir bien mieux sous régime hypoprotidique et 91 % considèrent leur qualité de vie a minima comme bonne.

  • Des concentrations élevées de phénylalanine au niveau encéphalique conduisent à divers symptômes neurologiques et psychiatriques, c’est pourquoi notre bonne santé dépend du suivi consciencieux du régime hypoprotidique :

  • Dans le cas de phénylcétonurie modérée, la maladie est causée par des mutations du gène PAH qui permettent une activité enzymatique résiduelle légèrement plus importante que dans le cas de la phénylcétonurie classique. Certaines formes de phénylcétonurie modérée répondent au traitement par saproptérine (Kuvan) :

Pour en apprendre davantage, consultez la publication scientifique mentionnée par le Pr Dr RUTSCH de l’hôpital universitaire de Münster : Tetrahydrobiopterin as an alternative treatment for mild phenylketonuria – PubMed (nih.gov)

  • Il existe une base de données internationale qui recense les différentes mutations chez les patients phénylcétonuriques :

BIOPKU :: International Database of Patients and Mutations causing BH4-responsive HPA/PKU

  • L’enzymothérapie est une option thérapeutique pour la PCU que le Pr Dr MUNTAU de l’hôpital universitaire de Hambourg a explicité en détail.

Pour certains patients PCU, l’enzymothérapie présente l’avantage de leur permettre de revenir à des taux normaux de phénylalanine dans le sang, tout en autorisant une augmentation de la part occupée par les protéines dans l’alimentation et en améliorant leur qualité de vie si le régime hypoprotidique n’était plus, ou peu suivi.

D’un autre côté, le revers de la médaille correspond à la survenue d’effets secondaires, ainsi qu’au risque de présenter des réactions allergiques sévères et à la nécessité de devoir passer plus de temps à l’hôpital pour garantir son bon suivi thérapeutique.

Il y a donc une balance bénéfice / risque propre à chaque patient à étudier au cas par cas et à discuter avec son équipe médicale.

Pour plus d’informations, voici une publication scientifique sur ce sujet : Long-term comparative effectiveness of pegvaliase versus standard of care comparators in adults with phenylketonuria – ScienceDirect

  • La farine hypoprotidique est le tout premier aliment à teneur réduite en protéines à avoir été disponible dans les années 70. Depuis, bien des progrès ont été réalisés ! Notamment, en ce qui concerne les mélanges d’acides aminés et l’introduction des médicaments à base de glycomacropeptides (GMP). En plus de ceux que nous connaissons en France de Nutricia et Vitaflo, ceux de Mevalia, Cambrooke Therapeutics et metaX ont été présentés.
  • En comparaison à la population générale en Allemagne, les PCU ont tendance à présenter un risque de surpoids légèrement plus élevé (d’environ 2%).
  • En plus du suivi et de l’aide apportés par les équipes médicales, des programmes pour encourager la reprise du régime hypoprotidique sont coordonnés par Nutricia Metabolics et Cambrooke Therapeutics et, dans le cas d’un accompagnement pendant la grossesse, par Vitaflo et metaX.
  • Bien que des études scientifiques documentent déjà la PCU à l’âge adulte, le recul n’est pas énorme à ce jour et des données manquent encore. Par rapport à ces aspects, Pr Dr KÖHLER a fait référence aux trois publications scientifiques que voici :

High phenylalanine levels directly affect mood and sustained attention in adults with phenylketonuria: a randomised, double-blind, placebo-controlled, crossover trial – PubMed (nih.gov)

Cognitive profile and mental health in adult phenylketonuria: A PKU-COBESO study – PubMed (nih.gov)

Effects of dietary management of phenylketonuria on long‐term cognitive outcome (nih.gov)

Plusieurs études montrent que des taux sanguins élevés de phénylalanine à long terme sont associés à des modifications inflammatoires de la substance blanche du cerveau, à de faibles QI, à d’importants troubles de la concentration et du contrôle de son impulsivité, ainsi qu’à une tendance dépressive. Cela n’est pas observé dans une gamme de taux comprise entre 360 et 600 µmol/L.

Pour qu’il n’y ait aucune limitation neurocognitive, d’ordre psychiatrique ou psychosocial, il est crucial pour les personnes vivant avec la PCU de maintenir des taux sanguins de phénylalanine dans des valeurs seuils et de bien respecter le régime à teneur réduite en protéines. Pour cette raison, chaque patient doit discuter individuellement avec son médecin pour établir ses propres objectifs de taux.

Il a ensuite été question de l’association de la PCU avec d’autres maladies et facteurs de risques, notamment l’ostéopénie et l’ostéoporose.

  • Dans le cas d’une grossesse avec PCU, les risques pour l’enfant à naître en cas de taux sanguins trop élevés de phénylalanine ont été rappelés. Pour que tout se passe bien et que l’enfant naisse en bonne santé, B. FÖRNER indique qu’il est très important que le régime hypoprotidique soit repris de manière suffisamment stricte au moins trois mois avant de débuter une grossesse avec PCU, avec des taux sanguins de phénylalanine inférieurs à 360 µmol/L (les meilleures expériences sont notées avec des taux entre 100 et 240 µmol/L). Le régime hypoprotidique doit être poursuivi tout au long de la grossesse en étroite relation avec son équipe médicale. Des rendez-vous sont programmés toutes les quatre semaines et des Guthries réalisés et envoyés deux fois par semaine.

Nous remercions vivement les organisateurs de nous avoir accueillis lors de cette journée et de nous avoir permis de profiter de ce programme plein d’intérêt !

 

Nathalie COULOMB

Administratrice et adulte PCU (Strasbourg)