Médicaments : pharmacie de ville ou hospitalière ?
Circuit du médicament : la législation
La délivrance d’un médicament (c’est-à-dire le lieu où vous pouvez vous le procurer) est définie par son autorisation de mise sur le marché (ou « AMM ») émise par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) lors de la commercialisation de ce médicament en France. Il existe schématiquement trois types de circuits de dispensation du médicament :
1) Les médicaments disponibles en officine de ville : Il s’agit de la plupart des médicaments « courants ». Ils peuvent être achetés en pharmacie de ville, mais certains nécessitent de présenter une prescription médicale (ordonnance) pour que le pharmacien puisse vous les délivrer.
2) Les médicaments disponibles uniquement en pharmacie hospitalière et rétrocédables : Ces médicaments sont disponibles uniquement en pharmacie hospitalière et ne peuvent pas être distribués par les pharmacies de ville. Leur caractère « rétrocédable » permet à la pharmacie hospitalière de délivrer le médicament directement au patient (sur présentation d’une ordonnance) pour une utilisation à domicile, habituellement pour une durée de 1 mois (et renouvelable 2 fois avec la même ordonnance si cela est spécifié sur l’ordonnance). La pharmacie hospitalière doit avoir une autorisation officielle de rétrocession des médicaments, ce qui est le cas de la plupart des pharmacies hospitalières. Ce circuit concerne habituellement des médicaments coûteux et dont l’utilisation doit être réservée à certaines maladies rares.
3) Les médicaments disponibles uniquement en pharmacie hospitalière et non-rétrocédables : Ces médicaments sont disponibles uniquement en pharmacie hospitalière et ne peuvent pas être délivrés directement au patient. Leur utilisation ne peut se faire que dans le cadre d’une hospitalisation. Il s’agit par exemple de la plupart des chimiothérapies anti-cancéreuses ou de médicaments très coûteux et réservés à des indications bien spécifiques.
Délivrance du Kuvan®
Le Kuvan® (BH4) est un médicament à délivrance uniquement en pharmacie hospitalière et rétrocédable. Il ne peut donc pas être délivré par une pharmacie de ville et seules les pharmacies hospitalières sont autorisées à le délivrer aux patients selon les conditions énumérées précédemment. Il peut être délivré par la pharmacie hospitalière proche de chez vous (sous réserve qu’elle soit autorisée à rétrocéder les médicaments) et n’est pas limité aux pharmacies hospitalières des centres de prise en charge de la phénylcétonurie.
Délivrance des mélanges d’acides aminés et des produits hypoprotidiques
Les mélanges d’acides aminés et les produits hypoprotidiques référencés par la Sécurité Sociale pour le traitement de la phénylcétonurie font partie des ADDFMS (Aliments Diététiques Destinés à des Fins Médicales Spéciales) et n’ont pas le statut de médicament.
Ils sont délivrés uniquement par les pharmacies hospitalières et peuvent être rétrocédés. Ils peuvent donc théoriquement être délivrés par toute pharmacie hospitalière autorisée à la rétrocession. Historiquement, et afin de simplifier le circuit de distribution, la Sécurité Sociale avait conclu un accord avec la Pharmacie Centrale des Hôpitaux de Paris leur donnant le monopole de distribution de ces produits pour la France entière. Ainsi s’est mis en place le circuit de distribution de l’AGEPS (Agence Générale des Equipements et Produits de Santé de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris) qui gère les stocks et adresse les commandes directement aux patients par colis postaux. Ce monopole n’est plus valable aujourd’hui mais la plupart des autres pharmacies hospitalières ne sont pas équipées pour adresser des colis postaux volumineux aux patients et ne peuvent pas gérer des stocks énormes (multiplicité des produits, dates de péremption courtes, …) uniquement pour quelques patients. Elles restent donc toutes favorables au maintien du circuit de distribution par l’AGEPS.
Quelques explications et cas particuliers
En ce qui concerne la délivrance des ADDFMS, même si les pharmacies hospitalières sont habilitées à les délivrer, le maintien d’un circuit unique centralisé par l’AGEPS permet de garantir la livraison des produits à domicile et de maintenir une grande variété de produits disponibles. En effet, la délivrance des ADDFMS demande une gestion importante de stocks, notamment pour les produits hypoprotidiques dont la prescription peut changer chez un même patient d’une ordonnance à l’autre afin de lui offrir une plus grande variété dans le choix d’aliments. Il n’est pas possible que chaque pharmacie hospitalière gère des stocks importants d’aliments hypoprotidiques pour uniquement quelques patients. De plus, la plupart des pharmacies hospitalières ne sont pas équipées pour gérer des envois de colis postaux volumineux et cela obligerait le patient à venir chercher lui-même ses ADDFMS à la pharmacie hospitalière. En résumé, les mélanges d’acides aminés (qui généralement changent peu d’une prescription à l’autre pour un même patient) peuvent être soit retirés en pharmacie hospitalière, soit être adressés au domicile par l’AGEPS. Par contre pour les produits hypoprotidiques, la délivrance par l’AGEPS est à privilégier même si théoriquement ils peuvent également être retirés dans toute pharmacie hospitalière.
L’envoi à domicile des ADDFMS par l’AGEPS est rendu possible parce que ces produits n’ont pas le statut de médicament. Par contre, le Kuvan® (qui est un médicament) ne peut pas être envoyé par l’AGEPS et doit être retiré directement par le patient en pharmacie hospitalière.
Enfin, certaines pharmacies de ville acceptent que les livraisons de colis provenant des pharmacies hospitalières soient livrées chez eux afin que le patient puisse les retirer directement dans la pharmacie de ville de proximité, mais ceci n’est pas une obligation et la décision est laissée au bon vouloir du pharmacien.
Pr François Labarthe, Pédiatre du Centre Expert CHRU de Tours, Clocheville
Les Pharmaciens du CHU de Tours