Nous continuons notre tour d’horizon des associations pour la PCU en Europe.

Il est intéressant de constater les similitudes mais aussi parfois les différences, notamment dans la prise en charge des frais liés à la phénylcétonurie.

#Chapitre 3 : L’Association DIG PKU en Allemagne 

 

E.S. PKUlogo_Dig_PKU

 

Qui êtes vous ? Quel est votre nom ?

Je m’appelle Tobias Hagedorn, j’ai 49 ans.

Quel est votre lien avec la PCU ?

Je suis marié à Christine, phénycétonurique, et nous avons deux magnifiques enfants : Caroline 17 ans et Joséphine 11 ans, toutes les deux non phénylcétonuriques.

Quel est votre rôle dans l’association PCU dans votre pays ? depuis combien de temps agissez-vous au sein de cette association ?

Depuis 2011 je suis le Président de l’association allemande PCU (Dig PKU). Avant cela, j’étais au conseil d’administration de DIG PKU de 1997 à 2009.

Depuis 2001 je suis secrétaire de l’association européenne ESPKU.

Pouvez-vous me dire plus au sujet de votre association ? par exemple l’histoire de votre association ?

Dans le début des années 70 quelques initiatives de patients ont débuté dans différentes régions d’Allemagne. Aidé par Professeur Horst Bickel, ces groupes de personnes ont allié leurs forces. Le 1er décembre 1975 DIG PKU est créé à Heidelberg.

 

Quelle est la taille de votre association ?

Dans les premières années, L’association DIG PKU a grandi lentement. En 1989 le mur tombe et l’Allemagne est réunifiée. En quelques mois, nos membres augmentent considérablement. Aujourd’hui DIG PKU compte environ 1900 membres. Nous espérons atteindre les 2000 membres dans les deux prochaines années.

 

Quelle est la prévalence de la PCU dans votre pays ? Au total, combien de PCU compte votre pays ?

L’Allemagne compte environ 80 000 000 d’habitants. La prévalence est de 1/10 000, ce qui aboutirait approximativement à 8000 personnes atteintes par la PCU dans notre pays. Cependant la mise en place du dépistage néonatal en 1969-1970 a divisé la population en deux groupes. Environ 4000 personnes PCU diagnostiquées tardivement ou non diagnostiquées et 4000 autres patients PCU chanceuses de suivre un traitement diététique mis en place après la mise en place du dépistage néonatal.

Que faites-vous pour les patients PCU de votre pays ?

Nous défendons nos patients PCU ou atteints d’autres maladies métaboliques d’un point de vue politique. Par exemple au travers de campagne pour préserver le remboursement des acides aminés par le système de remboursement en place, ou par des actions visant à mieux prendre en charge les patients adultes PCU. Récemment nous avons débuté une action afin de mettre en lumière la population diagnostiquée tardivement au travers d’un film court. En plus, nous organisons des séminaires et des réunions sur différents sujets pour des populations ciblées à destination de nos membres.

Par exemple, des rencontres pour les familles avec des enfants PCU âgés de moins de 8 ans, des camps pour les enfants âgés entre 8 et 15 ans, des réunions pour adultes PCU et PCU âgés de plus de 16 ans.

A cause de la taille de notre association, nous avons 16 groupes régionaux pour PCU et autres maladies métaboliques. Ils organisent des évènements, des ateliers de travail, des ateliers cuisine afin que les membres puissent échanger leurs expériences.

 

Comment se déroulent vos relations avec les professionnels, compagnies, et gouvernement?

 

Au cours de notre histoire, nous avons appris combien le travail du réseau est important. C’est pourquoi nous avons tissé des relations et des liens avec des associations, des professionnels, des industries, des assurances santé, des personnes du gouvernement, des politiciens et des patients d’autres associations de maladies rares. Dans les premières années, les patients n’étaient pas bien acceptés par les partenaires. Depuis que nous avons prouvé notre objectivité et notre professionnalisme par notre travail au jour le jour, nous sommes de plus en plus acceptés. Aujourd’hui nos idées et nos opinions sont bienvenues.

 

Quels sujets abordez-vous avec les professionnels, les compagnies et le gouvernement ?

Voici quelques exemples de nos nombreuses coopérations :

Nous sommes activement impliqués dans le groupe de professionnels qui sont en train de mettre en place le nouveau Guideline pour le traitement de la PCU en Allemagne et nous suivons sa mise en place. Nous introduisons le consensus que nous avons visé au niveau européen (ESPKU)

Nous avons géré l’implication de patients représentatifs dans un comité fédéral. Ce comité est responsable de la décision des politiques de remboursement des acides aminés et du régime.

Nous discutons de l’importance de la nutrition dans la santé et dans la formation à la santé avec les sociétés fabriquant des produits diététiques et avec les associations de diététiciens.

 

Quel est le principal traitement dans votre pays ?

 Le traitement basique de la PCU en Allemagne est un régime restreint en phénylalanine aves la supplémentation d’acides aminés, de vitamines et de micronutriments.

 

Est-ce que le Kuvan est utilisé dans votre pays ? Si non pourquoi ?

Quelques patients répondant favorablement au BH4 sont soumis à ce traitement depuis que le médicament a été enregistré en Allemagne. Quelques-uns peuvent arrêter le régime, quelques-uns peuvent être plus laxistes avec leur régime en étant sous prise de BH4. Cependant, nous connaissons un nombre d’adultes qui sont sensibles au BH4 mais qui refusent de le prendre et préfèrent poursuivre leur régime établi.

 

Dans quels centres sont pris en charge les patients touchés par la phénylcétonurie ? Combien de centres compte votre pays ?

Selon la définition du terme « centre prenant en charge des patients atteints de maladies métaboliques » nous avons approximativement 20 à 30 centres en Allemagne qui prennent en charge des patients PCU ou des patients atteints de maladies métaboliques.

Existe-t-il des centres experts désignés ? Combien ? Lesquels ?

Depuis 2009, les centres de prise en charge des maladies rares se sont développés dans les cliniques universitaires partout en Allemagne. Leur profil varie, et leur nombre en constante augmentation. (Actuellement 27)

Quelques-unes d’entre elles, comme Heidelberg, Munich, Munster, Hamburg, Berlin, et d’autres, ont un département pour les maladies métaboliques.

Est-ce que les associations de patients jouent un rôle dans la détermination des centres experts de prise en charge ?

Dans le cadre du processus de NAMSE (Nationales Aktionsbündnis für Menschen mit Seltenen Erkrankungen, ou Ligue nationale d’action pour les personnes atteintes de maladies rares), des critères ont été établis pour permettre la certification de ces nouveaux centres. L’un des principaux partenaires de NAMSE est l’Alliance pour les maladies rares chroniques (ACHSE), notre fédération maladie rare en Allemagne.

Existe-t-il un processus de prise en charge par votre gouvernement ? Si oui pour quels produits ?

Les acides aminés sont remboursés par l’assurance maladie mandatée en Allemagne. Le médecin ou le centre de prise en charge maladie métabolique prescrit le produit, la pharmacie les dispense aux patients avec le produit et facture avec la compagnie d’assurance.

Les produits hypoprotéinés ne sont pas remboursés, mais ils peuvent avoir un niveau de déduction fiscale faible selon le niveau de handicap. Cette déduction ne couvre pas les coûts.

Comment se passent les relations entre l’association et les professionels dans votre pays?

Quel est le suivi : diététiciens, médecins ? Différences ? Laquelle et pourquoi ?

Il est un fait certain : dans la première période après le diagnostic, le pédiatre est plus important pour les parents afin d’expliquer la maladie. Lorsque la nutrition du bébé commence à être plus complexe, les diététiciens et le laboratoire sont de plus en plus importants. Toutefois, la coopération entre les médecins, les laboratoires et les diététiciens dans la plupart des centres métaboliques allemands est remarquable sur le plan professionnel. DIG PKU maintient un contact étroit et coopère avec les deux, les associations professionnelles médicales et diététiques et les fournisseurs de produits de santé. Notre conseil consultatif scientifique est composé d’experts médicaux, des diététiciens, de psychologues et d’avocats.

Que propose votre association aux patients PCU dans votre pays?

Activités annuelles ?

Une réunion annuelle et quatre séminaires pour des groupes ciblés spécifiquement au niveau fédéral.

Un nombre d’évènements et d’activités à un niveau local et régional.

Magazine ?

Notre magazine “PHEline” est édité deux fois par an (printemps, automne) et présente des informations sur le travail de l’association et des délégations régionales, sur les derniers développements scientifiques et avancées politiques, un point “ kid corner” et beaucoup d’autres informations.

Canaux d’informations ?

Avec notre site web www.dig-pku.de nous offrons des informations par exemple sur la phénylcétonurie et les maladies métaboliques, sur nos activités et nos évènements. Les membres peuvent s’enregistrer à la newsletter. En parallèle du magazine, la plupart des informations sont fournies aux membres de notre association par nos interlocuteurs régionaux.

Recherche ?

La recherche est importante pour le développement de nouveaux traitements et pour accroitre la connaissance sur des traitements plus efficaces et plus sûrs. Cependant, DIG PKU ne mène pas ses propres projets de recherche, nous supportons des scientifiques en fournissant de l’information sur leurs recherches à nos membres et en les motivant à participer à leurs études.

Réseaux sociaux ?

DIG PKU est sur facebook et actuellement a plus de 300 followers.

Lobbying (Politiques et professionnels ?)

Nous sommes représentés dans le GBA (Gemeinsamer Bundesausschuss), le panel des fournisseurs de produits de santé, les assurances de santé, de la politique de santé et les représentants des patients qui est en charge de définir les politiques de remboursement et de proposer le règlement au ministère de la santé.

Comment êtes-vous organisé ? Combien réunissez-vous de volontaires ?

Comment l’association gère les volontaires?

DIG PKU fonctionne exclusivement avec des bénévoles : les représentants de notre association ne perçoivent que leurs frais remboursés. En tout, il y a 44 personnes à contacter dans nos groupes régionaux, ils organisent des événements et des activités au niveau local. Ils se réunissent une fois par an pour une réunion de week-end pour échanger leurs expériences, définir des stratégies politiques et pour fixer les objectifs de l’année suivante. Ces délégués régionaux ont un correspondant au conseil d’administration. Le conseil d’administration est composé de 7 membres du conseil d’administration et d’un secrétaire.

Selon vos estimations, combine des PCU ont été tardivement diagnostiqués?

Comme exposé au début de l’interview, la mise en place du dépistage néonatal dans les années 1969/1970 a divisé la population en deux groupes : statistiquement environ 4000 patients sont nés avant la mise en place de ce dépistage et donc ont été diagnostiqués tardivement ou non diagnostiqués.

Le taux de dépistage est quasi de 100%, de ce fait il y a très peu de retard de diagnostic après 1969/1970.

Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux membres français de notre association?

La PCU est une maladie. Plus tôt elle est diagnostiquée, plus le succès est au rendez-vous. Cela nécessite des efforts mais ensemble vous êtes suffisamment solide pour la gérer. Donc mon message est : “Ne prenez pas le diagnostic comme un fardeau, mais comme une chance pour vos enfants ou pour vous-même de vivre une vie saine et pleine !”

Merci de m’avoir invité à répondre à ce questionnaire et de partager notre expérience. Cela a été un plaisir.